La sacro-sainte laïcité

Marie Lambert-Chan

25 avril 2007

Le ministère canadien de la Justice planche sur un projet de loi pour protéger les libertés religieuses heurtées par la reconnaissance des mariages gay. Le groupe religieux La Mission du Saint-Esprit dispense clandestinement ses dogmes élitistes à des enfants. La Commission des droits de la personne tranche en faveur du port du kirpan en classe et des salles de prière à l'école. Et le ministère de l'Éducation se débat comme un diable dans l'eau bénite pour enfin boucler l'épineux dossier de la déconfessionnalisation du système scolaire public. Décidément, le cœur de notre société en perte de sens balance entre la laïcité et la recherche de sacré, entre les droits individuels et la quête de cohésion sociale, entre un passé judéo-chrétien et un avenir multiconfessionnel.

Microcosme social, l'école est devenue le baromètre de ces tergiversations. D'un côté, le système abandonnera en 2008 le recours aux clauses dérogatoires à la Charte canadienne des droits et libertés, permettant l'enseignement religieux catholique et protestant, pour faire place à un nouveau programme d'éthique et de culture religieuse. De l'autre, les directions et les enseignants composent quotidiennement avec de nouvelles demandes d'accommodements raisonnables afin de respecter les droits religieux de tout un chacun au nom de la tolérance.

« Doit-on sortir la religion des écoles ? », a-t-on longtemps demandé. Question sans doute trop simpliste pour la complexité de cette situation, déjà fort sensible. Les artisans de la déconfessionnalisation ne sont pas dupes au point de croire qu'ils effaceront toute trace religieuse de l'enseignement primaire et secondaire. (...) Vouloir sortir la religion des écoles du Québec, c'est aussi nier la soif de transcendance propre à chaque être humain. Sans tomber dans le prosélytisme, la Loi sur l'instruction publique mentionne bien que l'école « doit faciliter le cheminement spirituel de l'élève afin de favoriser son épanouissement », que ce soit par la découverte des arts, de la philosophie ou encore de l'histoire des grands mouvements religieux. Les orientations du programme d'éthique et de culture religieuse proposent donc des apprentissages qui respecteront la liberté de conscience et de religion tout en favorisant le vivre-ensemble.

« Peut-on sortir les pratiques religieuses des écoles ? » devrait-on plutôt s'interroger aujourd'hui. La laïcité « ouverte », prônée au Québec, reconnaît la place des différentes convictions religieuses et tolère leur démonstration dans l'espace public, notamment à l'école. « Naïveté ! » diront certains. « Mollesse ! » crieront d'autres. Ces jugements rapides font fi des particularités de notre histoire religieuse. Contrairement à la plupart des peuples, les Québécois ont acquis le droit à la liberté de conscience en cessant d'exprimer leur foi. En reléguant le crucifix dans la sphère privée, ils pouvaient enfin se définir autrement que comme « catholiques ». De leur côté, plusieurs immigrants, ostracisés dans leur pays d'origine à cause de leur appartenance confessionnelle, pouvaient enfin donner libre cours à leurs traditions religieuses une fois établis ici. Le choc entre ces deux types d'affranchissement était inévitable.

Cela ne justifie toutefois par l'interdiction des pratiques religieuses à l'intérieur des murs des écoles. Côtoyer la différence est essentiel au cheminement des élèves - les citoyens de demain. Enseigner la tolérance alors qu'elle n'est pas vécue au quotidien revient à prêcher dans le désert.

Source : Montréal Campus sur http://persil2.si.uqam.ca/nobel/campus/lecture_archives.php?articleid=543

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