Le modèle chinois analysé par le vice-président de l'UNADFI !

31.05.2007

Dans cet article, publié sur Internet, Jean-Pierre Jougla analyse la première réaction du gouvernement chinois, en 1999, contre le mouvement Falun Gong, et cherche à voir comment cet exemple chinois pourrait inspirer l'Europe.

Le journal Le Monde des 8 et 9 août 1999 a publié un article de Francis DERON intitulé « Le retour des vieux démons chinois » à propos de la réaction du gouvernement chinois contre la secte Falungong.

Quelques passages de cet article, peuvent être reproduits en les coupant de leur contexte chinois. Ils apportent en effet sur la compréhension du phénomène sectaire en général un éclairage pertinent qui n'est jamais utilisé dans l'analyse du fléau sectaire à l'intérieur des démocraties occidentales.

Pourtant les mêmes réflexions pourraient être faites en ce qui concerne nos sectes occidentales.

Mais la plupart des observateurs intimidés par le terrorisme intellectuel des sectes se refusent à porter un jugement sur le contenu des « enseignements » sectaires, se refusent à considérer que nos sociétés et nos politiques aient une quelconque responsabilité dans le succès de nos sectes, se refusent à considérer que le phénomène sectaire soit une régression archaïque, une négation de la « rationalité élémentaire », et se refusent enfin à considérer  « la réalité de l'influence des sectes sur le devenir du corps social. »

La Chine nous permettrait-elle de prendre la distance nécessaire et de voir une fois encore nos propres démons à l'œuvre.

Parler des autres, c'est une façon de parler de soi. Il y a déjà longtemps, l'on se demandait  « Comment peut-on être Persan ? »

Les propos de Francis Deron peuvent donc être lus mutatis mutandis.

Ils ont le mérite de poser quelques-unes des vrais questions soulevées par le phénomène sectaire :

« La secte Fa Lun Gong, bizarre nébuleuse de défavorisés qui tentent de se rassurer en communiant dans un incompréhensible galimatias mystique rythmé par une gymnastique traditionnelle. »

« A bien lire les « œuvres » de ce prophète là (le gourou Li Hongzhi), on retrouve la vieille pulsion chinoise du rejet de l'étranger, une très ancienne et viscérale fuite vers un passé mythifié devant les progrès les plus simples venus de l'extérieur ou perçus comme tels : médecine, hygiène, science, pour ne pas dire de la toute bête rationalité élémentaire. »

« Ce n'est pas surprenant. Longtemps le régime a été dominé par des hommes à la mentalité enracinée dans les superstitions de la « vieille Chine » ..., plus confiants dans les recettes empiriques liées aux superstitions et croyances ancestrales que dans les mérites du savoir moderne. »

Que l'on aimerait lire de telles lignes à propos de nos sectes locales tant ces propos peuvent s'appliquer à la plupart d'entre elles.

Et pourtant la plupart des observateurs se refusent à porter un jugement négatif sur le contenu des «enseignements » sectaires sous prétexte que leurs élucubrations seraient protégées par la liberté de pensée et la liberté de conscience lesquelles relèvent du nombre de nos libertés publiques. Pourtant une connaissance du contenu sectaire est essentielle à la compréhension de leur dangerosité en ce qu'il enferme les adeptes dans une vision close, simplificatrice et illusoire d'un monde réel complexe et en devenir.

Le galimatias mystique rythmé par des pratiques superstitieuses ou magiques n'est pas l'apanage de la seule secte du gourou Li Hongzhi, loin de là.

A lire l'article du Monde, il peut sembler évident que la politique chinoise porte une  responsabilité dans le succès de la secte interdite :  « Tout porte à croire que l'émergence de cette secte... est directement en rapport avec un état de malaise préoccupant au sein de la société chinoise. »

La même réflexion peut être faite en Occident si l'on considère que l'essentiel du phénomène sectaire est la question du pouvoir et de la participation de chaque individu à un pouvoir. Complexification des rouages sociaux, marginalisation d'un nombre croissant d'individus, pseudo professionnalisation de la chose publique qui est accaparée par une sorte de caste moderne, etc., sont autant d'éléments qui privent le citoyen d'une prise sur le réel.

Cette privation d'action permet aux sectes de tous acabits de proposer aux déçus d'avoir une prise sur un monde illusoire prétendument supérieur, présenté comme plus réel que le monde profane, grâce à des pratiques magiques dont chacun est prompt à se persuader de l'efficacité.

L'essentiel dans la démarche sectaire étant d'accéder à une parcelle de « pouvoir » sur un réel,  ce réel fut-il virtuel.

Cet aspect de recherche d'un pouvoir, que ce soit par le gourou de façon évidente ou que ce soit par l'adepte au niveau de bribes d'un pouvoir qu'il croit pouvoir obtenir tant par imprégnation que par « connaissance » permet de comprendre le risque politique que représentent les sectes non seulement pour le gouvernement chinois, mais pour toute forme de gouvernement et plus particulièrement pour les démocraties.

« Il ne s'agit pas d'un inoffensif groupement de farfelus sans influence (sous influence pourrait-on lire aussi). Horrifiée, la haute direction chinoise a découvert que certains de ses membres, et non des moindres, s'étaient laissé charmer par les sirènes de l'obscurantisme. »

Dans nos société occidentales, le danger ne réside pas tellement dans ce risque de voir tel ou tel homme politique succomber au chant d'un gourou. Le véritable danger représenté par les sectes est plutôt de défaire en chaque individu le citoyen dont le tissu repose sur la rationalité, l'instruction, l'ouverture au monde, patiemment acquises, et qui sont autant de valeurs incompatibles avec la situation d'adepte.

La négation de la « rationalité élémentaire » sur laquelle se fonde l'édifice sectaire constitue sous cet angle, l'influence la plus pernicieuse des sectes sur le « devenir du corps social », au-delà des drames sectaires abominables qui sporadiquement défraient la chronique, que ce soit dans la lointaine Chine ou dans nos propres démocraties.

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