Polémique sur les sectes autour d'un congrès à l'université Bordeaux 3

Toute évocation de la spiritualité, au travers de colloques ou de conférences, produit immanquablement une levée de boucliers dans les rangs de l'anti-sectarisme en France. Les universitaires en font les frais dès qu'ils s'intéressent à l'étude des nouveaux mouvements religieux. Le message est clair : il est interdit de se pencher sur la question autrement que par l'agression et le rejet. Le harcèlement incessant des activistes de l'antisectarisme, qui sentent le monopole de ce sujet leur échapper, est une des grandes plaies de notre démocratie. (NDLR)

06/06/2007 10:32 BORDEAUX, 6 juin 2007 (AFP)

L'organisation d'un congrès international sur les "mutations du champ religieux", du 7 au 9 juin à l'université Bordeaux 3, suscite les craintes d'organisations anti-sectes bordelaises qui redoutent une banalisation de certaines mouvances sectaires dans l'enceinte universitaire.

"Nous aurions préféré que Bordeaux 3 ne s'associe pas" au CESNUR (Centre d'études sur les nouvelles religions), une "institution assez controversée", déplore Me Daniel Picotin, président de l'association Infos-Sectes Aquitaine, qui a entrepris de nombreuses démarches depuis plusieurs mois auprès des autorités et de l'université pour tenter de faire annuler le congrès.

Ce congrès annuel du CESNUR est pour la première fois organisé en France et aura pour thème "Mondialisation, immigration et mutations du champ religieux". Il fera intervenir à l'université Michel de Montaigne-Bordeaux 3 des universitaires du monde entier.

Selon Me Picotin, le CESNUR, basé à Turin (Italie), "assimile le mouvement sectaire à de nouveaux mouvements religieux et mène un véritable combat (...) contre les associations et les organismes gouvernementaux de défense des victimes de ces mouvements".

Lors d'une conférence de presse d'Infos-Sectes et de l'ADFI (Association de défense de la famille et des individus) pour "tirer la sonnette d'alarme", il a dénoncé un "flirt de l'université avec le monde des sectes". Certains intervenants sont des "compagnons de route" de mouvements sectaires, a-t-il ajouté mettant en doute "l'objectivité" de leurs positions.

"C'est de la pure diffamation", répond Bernadette Rigal-Cellard, l'organisatrice du congrès, qui enseigne dans le Master de philosophie de Bordeaux 3, spécialité "Religions et sociétés".

Professeur en civilisation américaine, spécialiste des minorités religieuses nord-américaines, elle dénonce une "inquisition permanente de la part des associations anti-sectes" alors que selon elle le Cesnur et l'ISAR, institut américain de recherche sur les religions associé lui aussi au congrès, étudient ces mouvements "de façon aussi neutre que possible".

Dénonçant ce "terrorisme intellectuel", elle affirme que la France, par tradition anti-cléricale et anti-américaine et sous l'influence de certains groupes maçonniques, "ne supporte pas l'existence de nouveaux groupes religieux".

"On ne peut pas parler de ces groupes sans qu'on nous accuse d'être infiltrés", observe-t-elle, alors que d'autres pays d'Europe, comme l'Italie, font preuve d'une "beaucoup plus grande tolérance".

Pour sa part, le président de l'université, M. Singaravélou, a tenté mardi de calmer les esprits : "J'ai remercié les associations anti-sectes de m'avoir alerté" sur les possibles dérives d'un tel colloque et "je serai extrêmement vigilant à ce qui va se dire", assure-t-il.

Le thème du colloque est certes susceptible de "servir de dérive" sectaire, mais "on ne peut pas interdire à l'université la réflexion sur des thèmes de société aussi fondamentaux que les religions", insiste-t-il, rappelant qu'il s'agit d'un "colloque scientifique".

"Si j'avais le sentiment qu'il y avait un danger quelconque, de quelque nature que ce soit, j'aurais dit non", assure M. Singaravélou.

http://www.la-croix.com/afp.static/pages/070606083004.xgj40d0i.htm

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