Méditations en santé : théorie improbable, études indigentes - Les enseignements du rapport exhaustif de l'AHRQ

Cet article est un modèle du genre : il commence par démontrer que les études mettant en avant les bienfaits de la méditation ne sont pas fiables, pour affirmer ensuite (après sans doute une étude rigoureusement scientifique) qu'on a constaté que « des cas d'exacerbation de dépression, d'apparition de dépersonnalisation, de tentatives de suicide ou d'épisodes schizophréniques ont été décrits avec toutes ces pratiques ».

Fait intéressant à souligner : la conclusion de l'article n'est pas, comme on pourrait s'y attendre : « Bon, nous allons donc conduire de vraies études pour vraiment savoir » mais plutôt : «Circulez, il n'y a rien à voir ».

Auteur(s) : Philippe Nicot, Alain Braillon, Panazol.

(Extraits)

Qu'elles soient dites douces, naturelles, traditionnelles, ces pratiques sont devenues un fait de société. Elles sont dites médecines " alternatives " et " complémentaires " (selon la dénomination anglaise CAM pour Complementary and Alternative Medicine) lorsqu'elles sont associées à la médecine conventionnelle. Le National Center for Complementary and Alternative Medicine (NCCAM, une agence de l'Institut National de Santé aux USA) (...) en décrit 5 grands types :

- les médecines globales occidentales, comme l'homéopathie ou la naturopathie, ou orientales, comme la médecine traditionnelle chinoise ou ayurvédique indienne ;
- les médecines corps-esprit comme la méditation, la prière, la guérison mentale ou celles utilisant les médiations artistiques ;
- les pratiques fondées sur la biologie comme les suppléments diététiques ou certaines plantes ;
- les pratiques de manipulation ou fondées sur le corps incluant la chiropraxie, l'ostéopathie et les massages ;
- les médecines énergétiques, incluant le Qi Gong, le Reiki et autres formes de touchés thérapeutiques (apposition des mains) et les thérapies des champs électromagnétiques.

(...) En 1991, les autorités américaines du National Institute of health (NIH) ont dédié l'une de leurs agences, le NCCAM, à la recherche et l'évaluation rigoureuse de ces pratiques [4]. L'Agency for Healthcare Research and Quality américaine (AHRQ), vient de compléter à cette mission d'évaluation [5]. Son rapport s'est appuyé sur une revue particulièrement solide et indépendante des 813 études réalisées. Les pratiques des méditations mantra (incantation), mindfulness (pleine conscience), Yoga, Taï chi et Qi Gong ont été passées au crible. Les études concernaient en majorité l'hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires et les addictions. Les auteurs ont décrit avec précision leur méthode d'analyse. Ils ont mis en oeuvre une stratégie pour étudier la validité interne des publications et lutter contre les différents biais, notamment de publications (doublons de publication et littérature grise).

Médecine alternative ou complémentaire, par exemple associée aux thérapies cognitives (MBSR : Mindfulness-based-stress-reduction ; MBCT : Mindfulness-based-cognitive-therapy), la pratique de la méditation en santé est la mode actuelle1. La médiane des publications se situe en 2001, ce qui témoigne de sa nouveauté. Pour celle d'inspiration bouddhiste, la personnalité charismatique du Dalaï Lama a favorisé son implantation, d'autres sont issues des traditions hindoues ou chinoises. Ses promoteurs lui prêtent des vertus globales ou holistiques guérissant le corps, l'âme et l'esprit. Certains lui accordent un intérêt majeur dans le cadre des neurosciences. Lorsqu'elle est prescrite par des médecins, les séances de méditation sont conduites par des instructeurs en MBCT, qui peuvent être des médecins, des psychologues, des infirmiers ou des coachs.

Sans ambiguïté, les conclusions de l'AHRQ remettent en question la place et la qualité des publications de ce type d'intervention. Beaucoup d'incertitudes les entourent. Ainsi, la recherche scientifique ne semble pas avoir de perspective théorique commune et cohérente. Les études sont caractérisées par une mauvaise qualité méthodologique. Les effets physiologiques et neuropsychologiques de la méditation ont été évalués dans 312 études. Les conclusions ne sont que des hypothèses fragiles. Pour les effets cliniques, les faits scientifiques probants sont absents. Il n'y a aucune démonstration d'effets. Tant chez les patients atteints de cancers que chez les autres, elle ne démontre pas son ambition à réduire le stress, l'anxiété, la dépression ou la pression artérielle. (...)

Quels sont les risques de ces pratiques ? Peu étudiés, ils sont mal connus. Ils ne faisaient pas partie des objectifs du rapport de l'AHRQ. Pour autant, des cas d'exacerbation de dépression, d'apparition de dépersonnalisation, de tentatives de suicide ou d'épisodes schizophréniques ont été décrits avec toutes ces pratiques [10, 11]. Il n'existe pas, à notre connaissance, de stratégie de recherche sur le rapport bénéfice/risque de ces pratiques. Tant pour les professionnels de santé, que pour les décideurs ou pour les patients, l'obligation primum non nocere s'accommode mal de cette absence de données de vigilance. En France, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes)3 émet régulièrement des avis sur ces CAM. Ces avis traduisent l'inquiétude des patients et de la société.

(...) Le rapport de l'AHRQ nous indique qu'il n'y a pour l'heure pas d'argument pour conseiller ces pratiques méditatives pour les soins : le bénéfice n'est pas démontré et le risque n'a pas été étudié.

Conflits d'intérêts financiers : néant

Pour l'article complet, les références et quelques notes, lLire l'article sur
http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/e-docs/00/04/35/CA/article.md

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