Communiqué de presse du Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités (CICNS)

Faillite du contre-pouvoir médiatique : l'exemple de la lutte antisectes

Montpezat de Quercy - 20/04/2010 - 8h15 (CICNS) -

Le 7 avril 2009, Frédéric Taddéi invitait des journalistes sur le plateau de Ce soir ou jamais (France 3), pour faire le point sur le niveau de confiance qu’inspirent les médias traditionnels à l’opinion publique. Robert Ménard (fondateur de Reporters sans frontières) et Laurent Joffrin (directeur de Libération) reconnaissaient qu’il était reproché aux médias leur trop grande proximité avec le pouvoir, tout en suggérant que cette impression était fausse. Philippe Merlant, présent également sur le plateau, avait pour sa part répondu de façon beaucoup plus tranchée à cette question dans son livre (co-auteur avec Luc Chatel) « Médias : faillite d’un contre-pouvoir ». 

Pour les journalistes sceptiques sur les liens problématiques entre journalisme et pouvoir en France, la couverture médiatique de la sortie du rapport 2009 de la MIVILUDES est un exemple de choix, démontrant comment, de façon passive ou active, télés et journaux ont offert une tribune exclusive à la MIVILUDES ou organisé des débats présentés comme contradictoires mais révélant un parti pris évident des directions éditoriales (ou des journalistes eux-mêmes) pour les thèses développées par la mission interministérielle. S’il est vrai que l’engouement médiatique pour le rapport de la MIVILUDES était inférieur à l'année passée (notamment sur les chaines de télévision) - comme si la rhétorique idéologique extrémiste de Georges Fenech, passée la première surprise, suscitait moins d’agitation -, la communication de la mission fut suffisante pour générer dans les médias le quota de désinformation habituel sur le thème marronnier des « sectes ».  

Chaque année, la MIVILUDES invente de nouveaux fléaux présentés comme des causes nationales ; en 2008 le satanisme était, entre autres, un des dangers à conjurer ; en 2009, chamanisme (le rapport de la MIVILUDES parle de la « déferlante du néo-chamanisme ») et « nutritionnisme » sont dénoncés, les médias s’empressant de diffuser ces « terribles révélations ». 

La virulence du combat antisectes mené en France par les pouvoirs publics est largement soutenue par les médias. Tous les articles ou émissions autour des minorités spirituelles sont « à charge ». De plus en plus de programmes utilisent des techniques journalistique discutables et critiquées au sein même de la profession : caméras cachées, infiltration, fausses identités (voir un article du Monde) et surfent sur les peurs et les amalgames ambiants. A contrario, les articles ou émissions cherchant à comprendre avec curiosité et ouverture d'esprit les minorités spirituelles sont rarissimes ; Nous avons trouvé un reportage décent sur une communauté spirituelle installée à l’étranger, qui illustre bien l’état d’esprit français sur la question : les nouvelles spiritualités hors de nos frontières sont considérées comme exotiques et plutôt sympathiques mais, dès qu’elles pénètrent nos frontières, elles deviennent diaboliques. Ainsi, selon le rapport 2009 de la MIVILUDES, le chamanisme est respectable, loin de chez nous; mais dès qu'il arrive sur notre territoire, il devient « néo-chamanisme » et rejoint la cohorte des « sectes ». 

Le manque de sérieux des médias dans leur étude de la situation française n’a d’égal que leur désintérêt pour les mêmes questions à l’étranger. S’ils avaient lu correctement le rapport de la mission interministérielle, ils auraient constaté qu’elle avait elle-même apporté la preuve que la question sectaire est un « non problème » dans la quasi-totalité des pays interrogés. La seule conclusion possible est donc une déformation artificielle de ces questions dans le contexte français (voir notre commentaire critique sur le rapport 2009 de la MIVILUDES). La caricature des groupes spirituels minoritaires est en fait la caricature du regard porté par la MIVILUDES, une partie du Parlement, les associations antisectes et les médias, sur ces mêmes minorités. 

Il y a donc bien faillite du contre-pouvoir des médias sur le thème des « sectes ». La corporation des journalistes n’étant pas douée pour l’autocritique (les seuls acteurs critiques étant quasiment forcés de sortir du système médiatique pour pouvoir s’exprimer), il ne nous reste plus qu’un travail de sensibilisation et d’interpellation persévérant et patient afin de rappeler leur responsabilité dans l’état de la société, et les inviter à plus de courage et d’ouverture d’esprit sur la place légitime des minorités dans la société française. Les médias traditionnels pourraient avantageusement s’inspirer de nouveaux médias alternatifs comme le site Ouvertures. 

Lire le détail de notre analyse : Les médias et la sortie du rapport 2009 de la MIVILUDES 

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