Communiqué de presse du Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités (CICNS)

Une société de la peur et du soupçon  

Montpezat de Quercy - 31/10/2007 - 17h47 (CICNS) - En écho à l'affaire d'Outreau, Marie-Monique Robin vient de présenter sur France 5 une adaptation de son livre : " L'école du soupçon ". Présentation de ce documentaire : " Face aux affaires de pédophilie, et tout en voulant protéger les enfants, certains experts tirent régulièrement la sonnette d'alarme pour inciter les politiques, les médias et l'opinion publique à se garder de jugements hâtifs. Ce film se penche sur les dérives de la lutte contre la pédophilie et leurs conséquences, notamment sur l'évolution de l'école. "

Le film montre entre autres une troublante expérience réalisée il y a une dizaine d'année au Canada : une petite fille passe une visite médicale, le médecin l'ausculte, lui touche le bras, le poignet. Tout de suite après, un adulte (l'interrogateur) lui demande si le médecin lui a fait du mal, s'il ne lui a pas touché le vagin avec un bâton. On donne à l'enfant une poupée et un bâton. Elle dit que non. Le soir chez ses parents, son père lui demande si tout s'est bien passé avec le médecin, s'il ne lui a pas fait mal. Et l'enfant dit l'inimaginable, montrant les faits avec la poupée. Comment ne pas la croire !

Le CICNS y voit un parallèle avec la façon dont les minorités spirituelles sont traitées en France, et les accusations dont elles sont la cible. Là aussi, la façon d'interroger ceux qui ont quitté une minorité spirituelle, les questions insidieuses des associations de lutte contre les dérives sectaires ou les allégations douteuses des journalistes sont autant de moyens d'influencer le comportement ou l'opinion de toute personne en proie à l'émotion.

Le CICNS a reçu de nombreux témoignages au sujet de personnes contactées par les associations de lutte contre les dérives sectaires afin de les inciter à témoigner contre un mouvement ou son dirigeant. Là encore, la recherche de victimes pour désigner un coupable et convaincre l'opinion d'un danger justifie tous les moyens. Selon une étude, publiée par le CESNUR, réalisée auprès de personnes ayant quitté le mouvement Nouvelle Acropole : " Un point ressort sans ambiguïté de nos résultats et confirme les recherches d'autres auteurs (voir Bromley 1997b). Une écrasante majorité d'apostats ont été en contact avec une coalition d'opposition, dans ce cas un mouvement anti-sectes (en France, principalement les ADFI et le CCMM). Une large majorité (88%) de ceux qui ont quitté Nouvelle Acropole après un contact avec un mouvement anti-sectes est devenue apostat. " (Source : http://www.cesnur.org/testi/Acropolis.htm, en Anglais)

A la suite d'une descente de gendarmerie dans la communauté des Gens de Bernard, près de Toulouse, en janvier 2007, Guy Delaunay, membre de cette communauté, témoigne : " L'un de nos accusateurs, qui a deux petites filles - la mère est restée avec nous, lui est parti -veut absolument les récupérer. Un soir nous avons vu ce monsieur ramener ses deux filles avec une personne membre d'Infos-sectes Midi-Pyrénées dans la voiture. Donc, s'il n'y a pas de liens entre Infos-sectes et les accusateurs, là, je veux bien être pendu. Et on a appris après, par les deux gamines, que non seulement cette personne les a ramenées ici mais qu'elle a passé le week-end chez leur père, et dans ce que disaient les gosses, elle leur avait fait la leçon pour dire ce qu'il fallait dire si jamais elles étaient interrogées par les gendarmes. (…) J'étais interrogé sur l'AREFPPI, qui est une association. On voulait me faire dire qu'elle avait été créée par David pour s'en mettre plein les poches, que c'était une manière de détourner l'argent, soit des gens d'ici, soit des gens de l'extérieur, et en particulier on a cherché pendant deux heures à me faire dire, à me démontrer, que le séminaire que Claude David fait depuis 40 ans était payant. Il n'a jamais été payant depuis 40 ans, jamais ! Des centaines de gens peuvent l'attester. (...) Quand ils ont vu qu'ils ne pouvaient rien tirer de ce côté-là, ils m'ont dit : " De toutes façons, votre association, on s'en fout - il a même été beaucoup plus grossier que ça -, nous ce qu'on veut, c'est la peau de David, alors vous allez nous aider à avoir la peau de David. " (Interview de la communauté des Gens de Bernard réalisée par le CICNS, sur http://www.cicns.net/Balme_1.htm)

Fabienne, des Gens de Bernard : " La garde à vue est complètement dévoyée, ce n'est plus une enquête, c'est : ils veulent extorquer l'aveu, par tous les moyens. Voilà. Donc là, le droit, il n'y en a plus. "

La maman d'Aurélie, des Gens de Bernard : " Claude David est accusé de nous montrer des films pornographiques le soir, donc les gendarmes ont demandé à Aurélie, 4 ans, si M. David lui montrait des films. Elle a dit " Oui, Star Wars ".

Christine, dont le mari a utilisé l'argument de " la secte " pour tenter d'obtenir la garde des enfants, se retrouve en garde à vue : " Une personne est arrivée qui s'est adossée contre le mur, d'un air très imposant, et qui a commencé à me poser des questions. Il m'a demandé comment je gagnais ma vie, comment je mangeais, qui je fréquentais, comment je me soignais, si je prenais des médicaments, si je prenais des drogues… Et à un moment donné, il y a une autre personne qui est arrivée. Très excédé, très énervé, il cherchait ses cigarettes ou son briquet, je ne sais quoi, et puis il commence à me dire : " Oui, mais les gens comme vous, qui sont dans des sectes, on sait, hein, ils fonctionnent tous pareil, on les connaît, on a l'habitude. " En moi-même je me suis dit : " Mais tu n'as rien à te reprocher, tu n'es pas un assassin ! Tu n'es pas une criminelle, tu n'as rien volé ! " (Christine et Marie-Christine ont été interviewées par le CICNS, sur http://www.cicns.net/Divorce_Sectes.htm)

Marie-Christine, accusée par son conjoint, et par l'entremise d'une ADFI, de faire partie d'un mouvement à risques sectaires avec des conséquences possibles pour ses deux enfants mineurs : " Maintenant, pour faire du mal à quelqu'un dans un divorce, on ne sait plus trop quoi utiliser, eh bien on utilise les sectes ou la pédophilie. Et d'ailleurs mon mari, après - mais ça il n'a jamais voulu le dire devant les enfants - m'a dit à deux reprises qu'effectivement, il voulait se venger de moi. Donc ça n'a rien avoir avec la spiritualité, ou une secte, ou rien du tout ! Ça a à voir avec des gens qui sont - je suis peut-être dans le jugement - mais moi j'ai vu de la paranoïa en face de moi, et ils ont rendu mes enfants paranoïaques. "

Christine : " La France est endoctrinée, et on fait du lavage de cerveau aux gens en leur disant : il y a des sectes en France, méfiez-vous, c'est dangereux ! Alors ça, c'est tellement facile… N'importe quelle personne qui suit un mouvement ou quelque chose ou une idéologie qui n'est pas la " normale ", eh bien ça y est, c'est quelqu'un de dangereux, il ne faut pas l'approcher parce qu'on ne sait jamais, on peut être endoctriné, enfermé dans un mouvement et ne plus en sortir, enfin… C'est contre ça que j'ai envie de témoigner aujourd'hui, c'est cette facilité que maintenant on a en France à utiliser ce sujet de " vous êtes dans une secte " pour cataloguer tout le monde. Toutes les raisons sont bonnes. "

Ne peut-on parler de dérives de la lutte anti-sectes ? N'est-il pas temps de revoir sérieusement nos " jugements hâtifs " sur ces mouvements spirituels quand l'information qui les concerne, utilisée par les pouvoirs publics et relayée par la majorité des médias, provient exclusivement de groupes anti-sectes ? Le CICNS dénonce les dérives de cette croisade qui voit chaque jour des personnes innocentes présumées coupables et accusées avant d'être jugées, et tente de rétablir un équilibre dans le débat sur la question de la place des minorités spirituelles dans notre société.

Contact : Service Presse du CICNS - Valérie Dole - 06 34 11 49 58 - Presse@cicns.net - http://www.cicns.net

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