La France au temps de la chasse aux sorcières

Une analyse truculente du contexte dans lequel a été voté la loi antisectes de 2001

par Christian Singer (astrologue, ancien membre de la communauté de la Thébaïde)

Extraits.

Une loi inique et inouïe, qui achève de déshonorer l’état français, a été votée par son parlement le 30 mai 2001. C’est un texte de circonstance et d’exception, parfaitement scandaleux et dangereux, puisqu’il foule aux pieds les principes dont ses auteurs prétendent se réclamer et qu’il se révèle à la fois très précis et très vague.

 

D’un côté, il vise une catégorie de gens et de groupes bien spéciale et bien à part, mais de l’autre, il s’abstient de la définir clairement, de manière à pouvoir y inclure tous les gêneurs, associations, communautés dont les autorités officielles voudront se débarrasser. Cela fait penser (les dates invitent au rapprochement) aux fameuses “Lois de mai”, ces mesures de persécution religieuse que Bismarck avait fait adopter par le Reichstag et dont un de ses partisans avait assuré qu’elles s’inscrivaient dans le cadre d’un Kulturkampf, c’est-à-dire d’un “combat pour la civilisation”. Nous verrons que les parlementaires français ont employé des mots identiques, en parlant de progrès, de Lumières etc.. Cinquante ans plus tard, un obscur Autrichien né à Braunau sur Inn reprenait à son compte le même terme allemand signifiant “combat”, en faisait le titre de son livre, puis une réalité effrayante destinée, entre autres, à éliminer des minorités indésirables. Ils eussent été bien inspirés d’attendre une dizaine de jours pour nous fourguer leur législation scélérate. Ils eussent ainsi commémoré dignement, par un acte analogue, le 207 ème anniversaire de la célèbre loi de Prairial, celle des Suspects, qui, elle aussi, dépouillait les prévenus de toute véritable garantie et permettait de les condamner sur de simples présomptions et sur des preuves uniquement... “morales” fournies en abondance par le gouvernement de la Terreur au détriment de ceux dont il voulait se séparer en séparant leurs têtes de leurs troncs.. Seul petit ennui : depuis cette époque, on a supprimé la guillotine qui aurait efficacement raccourci les “sectes”. Quel dommage !

 

(…) Tous les grands Etats, le français comme les autres, sont nés de la violence et continuent à la pratiquer, sous toutes ses formes et de la manière la plus exécrable, soit entre eux, soit au  détriment des groupes et des individus qui les composent (…). Pour évacuer les  mécontentements, surcompenser les frustrations, utiliser les agressivités inemployées qui pourraient légitimement se retourner contre la classe dirigeante, celle-ci, avec une habileté et une hypocrisie consommées, jette en pâture aux malheureux qu’elle égare des individus et des groupes qui vont servir de boucs émissaires, seront traités en parias, cloués au pilori et livrés à la vindicte publique. En agissant ainsi, non seulement les gens en place se préservent et se mettent à l’abri, mais ils se donnent des apparences de vertu en procédant à des nettoyages salutaires qui vont assurer l’unité et la “pureté” du royaume. Les camarillas se sont toujours innocentées et dédouanées sur le dos des coupables qu’elles choisissent et vouent à la perdition en leur faisant jouer le rôle de fixateurs des saletés qu’elles-mêmes produisent et des haines qu’elles suscitent. C’est ainsi que débuta une “chasse aux sorcières” particulièrement virulente en France et qui a traversé gaillardement tous les siècles pour venir nous inonder de ses innombrables activités fécondées par une imagination inépuisable.

 

(…) La laïcité française se présente sous deux aspects, aussi exécrables l’un que l’autre :

 

D’abord la forme “passive” et frileuse qui s’identifie à la “neutralité”, terme signifiant “ni l’un, ni l’autre” (ni le reste !) et qui exprime une attitude de non-engagement et même d’exclusion sur toutes les questions essentielles, sous prétexte de respecter les consciences et les intelligences. Tout ce qui est hors normes est éliminé. Quantité de mouvements d’idées, d’auteurs, d’oeuvres sont passés sous silence ou tout juste mentionnés. Les grands ciseaux d’Anastasie exercent leurs talents et leurs ravages spécialement en littérature, en histoire et en philosophie. (…) L’autre face de la laïcité, active et agressive, qu’on peut appeler le laïcisme et qui sévit plus que jamais ces temps derniers.

 

(…). Nous vivons dans une “démocrature”, c’est-à-dire dans une dictature de fait qui se dissimule sous des apparences démocratiques. Tout au plus peut-on dire en plaisantant, comme le fait un des personnages de Michael Larsen dans son roman “Le serpent de Sydney” (p. 109), que “la seule supériorité de la démocratie sur un pouvoir totalitaire est le droit de choisir librement un dictateur”.

 

(…) Le but totalitaire, poursuivi depuis des siècles, demeure obstinément le même et il n’est pas très difficile à définir : il s’agit d’amener la totalité des pseudo-citoyens à penser et à se comporter de manière totalement identique dans la totalité des secteurs de leur vie publique et privée. Comme le dit excellemment le philosophe Baudrillard, cité par E. Morin dans son livre : “Pleurer, aimer, rire, comprendre” : “Ce que l’Occident veut imposer désormais au monde entier, sous couvert de l’universel, ce ne sont pas des valeurs, c’est justement son absence de valeurs. Partout où survit, persiste quelque singularité, quelque minorité, quelque idiome spécifique, quelque passion ou croyance irréductible et surtout quelque vision du monde antagoniste, il faut imposer un ordre différent... Nous distribuons généreusement le droit à la différence mais, secrètement, et, cette fois inexorablement, nous travaillons à produire un monde exsangue et indifférencié”.

 

(…) Que de gens sont condamnés sur des indices extrêmement ténus et fragiles, sur des hypothèses plus ou moins gratuites, sur des reconstructions imaginaires non étayées par des faits et par des preuves, et à la suite d’enquêtes bâclées et orientées où le coupable est plus désigné d’office et d’entrée de jeu que vraiment recherché, où certains témoins sont écartés, des pistes d’investigations volontairement négligées, des expertises refusées, qui pourraient mettre à mal les thèses préfabriquées par l’accusation !

 

(…) La première manoeuvre consiste, ainsi que je viens de le rappeler, à fabriquer en tous domaines des prêts-à-penser que l’on amènera 99% des gens à endosser en leur faisant croire (et c’est le fin du fin !) qu’ils expriment leurs idées... personnelles ! Merveilleuse découverte, que traduit drôlement le titre d’un autre ouvrage de F. Brune : “Les médias pensent comme moi !”.

 

(…) La désignation des parias et des boucs émissaires, la création de psychoses collectives viennent à point nommé pour alimenter une soif inextinguible de délation qui va “s’élargir” en chasse aux sorcières et en persécution. Ce sont là des comportements on ne peut plus banals adoptés par tout gouvernement digne de ce nom, qui ne peut subsister sans faire élection de brebis galeuses destinées à porter le poids et à payer le prix de ses carences constitutives. Elles seront jetées en holocauste et en pâture à l’opinion publique, aux médias et à des juges (en particulier d’instruction) qui sauront parfaitement s’acharner sur elles, au mépris de toute justice et en toute impunité.

 

(…) L’Etat et la meute de ses chiens enragés s’en prennent à tout ce qui s’éloigne un tant soit peu du modèle courant et paraît le contester, même dans un secteur très limité. Les justiciers deviennent paranos : ils ne souffrent plus le moindre écart et tiennent à l’oeil une masse considérable de suspects, de gens qu’on affecte de considérer et de dénoncer comme potentiellement dangereux. C’est ainsi que prospère en France un régime policier qui ne cesse de s’étoffer et de se consolider, et qui sait faire “avaler” n’importe quoi par les “gens de bien”, leur faire accepter ses excès et ses débordements au moyen d’un argument massue : le renforcement continu des mesures et des actions répressives n’a d’autre justification que leur intérêt !

 

(…) Je voudrais épingler des groupes ou des individus isolés dont les menées me paraissent encore plus haïssables. Je fais allusion principalement à ces associations regroupant des gens qui, sans aucun mandat ni aucune compétence particulière, se sont autoproclamés justiciers, usurpant à l’origine sur la puissance publique, se comportant en officines parapolicières, pour traquer les “sectes” ou prétendues telles, collecter dans l’ombre des renseignements ou des ragots les concernant, intervenir lâchement dans leur dos auprès d’administrations, de collaborateurs ou de proches pour leur nuire. Comment un Etat qui se dit démocratique peut-il tolérer de telles pratiques ? Mais il a fait bien pire. Il a accordé à plusieurs de ces commandos qui se sont constitués hors la loi une véritable légitimité en les stipendiant, en les reconnaissant d’utilité publique et en leur donnant le droit de se substituer aux victimes (?) des “sectes” pour les attaquer devant les tribunaux.

 

(…) La méfiance à l’égard des vaccinations, l’attrait pour le végétarisme et le jeûne, même sagement pratiqués, le refus de l’hypermédicalisation, de l’excès pharmaceutique, des analyses et des examens abusifs, la volonté d’accoucher à domicile, la préférence accordée aux médecines douces etc.. sont perçus par les “officiels” soit comme les fantaisies dangereuses de quelques inconscients victimes d’illuminés ou de charlatans avisés, soit comme des faits de quasi-dissidence.

 

(…) C’est ainsi que les “experts” vous conseilleront la plus grande vigilance, ainsi que des interventions “pressantes”, si vous observez des changements, même imperceptibles, chez l’un de vos proches. S’il commence à se distinguer par une singularité quelconque, il faut tout de suite mettre le holà ! S’il modifie plus ou moins brusquement ses habitudes, par exemple alimentaires ou vestimentaires, ou son aspect physique, s’il n’assume plus convenablement ses devoirs stéréotypés de production, de consommation, de relations, de distractions, de communications (portables et tout le saint-frusquin), s’il a tendance à s’isoler pour lire, rêver, réfléchir, méditer ou, pire encore, pour s’adonner à des gestes ou à des rites superstitieux, s’il reçoit trop souvent des lettres ou des visites mystérieuses, s’il se laisse aller à des rendez-vous non identifiés, s’il fréquente des groupes douteux, c’est qu’il se trouve probablement sous l’emprise d’une “secte”.

 

(…) Tout peut être résumé par cette formule aussi savoureuse que pertinente : “Bien parler pour ne rien dire et bien penser pour ne rien réfléchir” (p.67), qui pourrait être adoptée comme devise par les histrions mortellement ennuyeux (politiciens, affairistes, “penseurs” à la mode, artistes et amuseurs dans le vent etc..) qui se succèdent sans interruption sur les ondes et sur les écrans, et qui remplissent de leurs salades indigestes et insipides l’ensemble des publications journalistiques et livresques, sans compter Internet. Dans tous les cas, il s’agit d’implanter dans les psychismes des réflexes, des instincts, des tropismes qui vont jouer mécaniquement et tenir lieu de conscience, de raisonnements et de jugements personnels.

 

(…) Les bons apôtres de l’antisectisme nous ont toujours juré leurs grands dieux qu’ils étaient trop respectueux des “croyances” pour se permettre de les juger et de les attaquer. Or c’est exactement ce que fait Picard (et elle n’est pas la seule) (Catherine Picard, députée à l’origine de la loi de 2001), lorsqu’elle s’autorise à stigmatiser “les escroqueries intellectuelles pseudo-religieuses, pseudo-philosophiques ou pseudospirituelles” commises par les “sectes”. Elle va même jusqu’à parler “d’aliénation spirituelle” : ça vaut son pesant d’or ! J’aimerais savoir de quelle compétence et de quelle expérience personnelle cette femme peut se prévaloir pour s’aventurer avec autant d’assurance dans des affirmations aussi hasardeuses. Sutor, ne ultra crepidam ! Il ne faut pas s’y méprendre : le gouvernement mène un combat idéologique inspiré par le scientisme athée ou agnostique.

 

(…) Depuis le XVIIIème siècle, la préhumanité a continué à s’enfoncer dans la sauvagerie et dans la barbarie. Les “événements” récemment survenus, dès la première année du XXI ème siècle, montrent bien que cette progression se poursuit sans désemparer, qu’on peut s’attendre aux pires horreurs au cours des cent années à venir, qui seront -à moins qu’un miracle se produise que rien actuellement ne permet d’espérer- bien plus affreuses que les cent  précédentes, elles-mêmes beaucoup plus terribles que leurs devancières.

 

(…) Comme dit Topaze : “Les coupables, il vaut mieux les choisir que les chercher”. Surtout si l’on a absolument besoin d’un bouc émissaire !

 

(…) Lorsqu’un groupe demandait à l’inénarrable Gest d’être radié de sa liste des réprouvés, il répondait invariablement, en utilisant ce style officiel impayable destiné à vous impressionner favorablement par son apparente rigueur : “Comme vous le savez, l’existence de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes ayant cessé du fait même de la publication de son rapport, il n’entre désormais dans la compétence d’aucune autorité parlementaire d’apporter au contenu de ce rapport quelque modification que ce soit”. Dans ces propos impeccables et si courtois, on décèle, comme c’est souvent le cas dans les documents administratifs, un brin d’ironie sous-jacente qui pourrait se traduire par une injonction beaucoup moins polie, du genre : “Tu peux aller te faire foutre”.

 

(…) Combien de parlementaires sont-ils au courant des injustices et des violences; flagrantes et brutales ou, au contraire, insidieuses et dissimulées, qui, venant de la police, de la justice, des administrations excitées et cornaquées par les sectes antisectiques, ont, depuis cinq ans et de la façon la plus inique, frappé, dans leurs activités professionnelles et dans leur vie privée, des centaines de gens irréprochables, les perdant définitivement de réputation parce que victimes d’une rumeur indéracinable, brisant leurs familles, les obligeant à déménager ou à quitter la France (certains l’ont fait dès 96), les menant parfois à la ruine, au désespoir et au suicide. Même ceux qui n’ont pas (encore ?) connu de telles extrémités ont eu à endurer toutes sortes de désagréments dans leur vie quotidienne, sans parler des attaques médiatiques. Je n’exagèrerai certainement pas en affirmant que nos “élus”, dans leur grande majorité, n’en ont rien à cirer et qu’ils ne tiennent aucunement à être informés de l’existence de tels sévices. Même et surtout quand ils les subodorent, ils n’ont aucune envie d’en savoir plus.

 

(…) “Le risque d’arbitraire est présent dans toute volonté de protection des individus contre eux-mêmes”. Bravo, Domi (Dominique Bussereau, député) ! Et puis tout de suite après, il sort le vrai bout de son nase en montrant que ses mises en garde n’étaient que pures clauses de style : “Je sais cependant que les choses sont claires pour les tenants du texte qui considèrent qu’il ne peut porter atteinte qu’aux sectes”. Ben voyons ! Dès lors qu’ils l’affirment, on ne peut que les croire sur parole! Que sont devenues tes exigences ? Eh bien, elles refont surface : “(Ne votons pas) des lois qui, aujourd’hui bonnes, pourraient demain... devenir scélérates. Faisons attention à ne pas avoir, au nom de la liberté, des comportements liberticides”. Tu te surpasses, Domi ! Et puis, catastrophe : ce n’était qu’un dernier soubresaut de sa conscience avant la “chute” finale qui lui apporte enfin l’apaisement : “Connaissant l’excellent travail des rédacteurs de la loi, je n’ai pas d’inquiétude”. J’espère que le lecteur aura goûté la progression dramatique et les phases contrastées de ce terrible débat intérieur.

 

(…) “La menace est tangible : désormais, la moindre pratique spirituelle, éducative ou médicale alternative est jugée suspecte. Et susceptible de sanctions pénales”. Dans un premier temps, on tâche d’éliminer tous ceux qui refusent d’adhérer aux dogmes rationalistes promus et imposés par le gouvernement et ses supporters. Nous en sommes là. Mais, dans une deuxième phase, on va s’attaquer aux institutions religieuses, sous prétexte qu’elles abritent en leur sein des “dérives sectaires”. Bien sûr, on épargnera le judaïsme et l’islam, pour des raisons d’opportunisme politique et pour semer la division.

 

(…) Qu’on se le tienne pour dit : désormais, les malheureux qui se sentiraient appelés à transformer radicalement la “société” seront soupçonnés d’être des fous dangereux, tellement leurs objectifs paraîtront insanes, exorbitants, pervers et, tout bonnement, injustifiés, car, après tout, n’était ce la présence de ces sales sectes, nous vivrions dans un monde à peu près parfait.

 

(…) C’est à ce moment précis, en cet instant crucial que, sur les décombres de l’espoir, peut surgir l’Espérance, fruit d’une “détermination héroïque de l’âme... qui surmonte le désespoir” (Bernanos) et qui, porteuse d’un message émanant de la Personne transcendante, nous avertit de sa part qu’Elle saura et voudra tirer un Bien du désastre dans lequel se sera engloutie la préhumanité, à qui il sera inlassablement proposé d’en faire usage, jusqu’à ce qu’elle émette une acceptation ou un refus sans appel.

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