Les archives de Maître PaturelPartie 2 - Les «bourdes» du rapport Gest-GuyardLire présentation de Maître Paturel et de ses archives dans la partie 1
De
nombreux documents des archives de Maître Paturel concernent le
rapport d’enquête parlementaire sur les sectes du 22 décembre 1996. Leur
lecture nous a inspirés à reprendre le texte intégral du rapport et à
en faire un nouveau commentaire. « Sectes
et droit de persécution - les raisons d’une controverse », un texte
de Massimo Introvigne, relate le choc
qu’a produit la publication le 10 janvier 1996 du
rapport Gest-Guyard sur la communauté internationale des chercheurs étudiant
les nouveaux mouvement religieux. Massimo
Introvigne, sociologue italien de renommée internationale, retrace les différents
événements médiatiques et les publications qui ont marqué le début
de l’année 1996, dans une controverse qui opposait
les députés signataires du rapport et des universitaires, des juristes et
des représentants des églises établies. On
peut y lire que la première ligne du rapport contient déjà une imprécision
consternante puisqu’elle qualifie de « Davidsoniens » les
Davidiens victimes du drame de Waco (les deux
noms existent mais désignent des groupes très différents). Il
nous apprend aussi que le terme « Piaggio », que l’on trouve à
la page 69 du rapport d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale,
désigne une marque de motocyclettes italienne que le rédacteur du rapport a
confondu avec le terme « Plagio », nom d’une loi de répression
de la manipulation mentale. C’est
ce qu’on appelle communément des « bourdes », c'est-à-dire des
« bévues » ou fautes grossières généralement involontaires. Le
rapport contient également de nombreuses inexactitudes de lieu, de nom, de
dates ou de doctrines des mouvements incriminés. Ces inexactitudes sont détaillées,
pour certaines, dans le texte du professeur Introvigne. Ces
erreurs s’expliquent en partie par la précipitation qui semble avoir présidé
à la constitution du rapport, ce dont témoigne Patrick
Rougelet, ancien commissaire des Renseignements Généraux,
dans son livre, « R.G., « Les
R.G, sur la question, n’avaient pas grand-chose. En catastrophe, il a fallu
fabriquer un « rapport ». Un fonctionnaire s’est chargé de
compiler les travaux faits par d’autres, notamment par les gendarmes… Le
rapport des R.G sur les sectes a ensuite inondé toutes les rédactions, comme
un document de référence. » Nous
allons maintenant examiner un autre type de « bourde » du rapport,
en choisissant le sens premier et étymologique du terme qui vient du Provençal
« borda » qui signifie mensonge, « bobard ». Pour
rappel, ces bourdes avaient pour but de faire « gober » les
conclusions du rapport qui peuvent être résumées comme suit : Les nouvelles formes de la spiritualité qui émergent depuis les années 60-70 en Occident « s’apparentent à un véritable fléau » (1) à l’encontre duquel il convient de mettre en œuvre tout ce qui est possible. (voir le film du CICNS) Ces
mensonges ont aussi justifié d’avoir listé sous le terme infamant
"sectes dangereuses" et livré à l’opprobre publique une liste de
173 mouvements dont la dangerosité n'est nullement prouvée comme nous allons
le voir. Une
« bourde » comme le rapport en contient des dizaines, extraite de
la page 48. « Pour
analyser les dangers que font courir un certain nombre de sectes, Ce
sont des affirmations péremptoires et infondées qui ont l’apparence
du savoir et de la rationalité mais ne résistent pas à une investigation et
une analyse sérieuses : Nous
avons vu plus haut quelle fiabilité on pouvait accorder aux données fournies
par les RG. Quant à leur objectivité, elle paraît bien hypothétique quand
on connaît le passé et l’origine de cette police créée sous Vichy qui
est plus qualifiée comme mercenaire de l’État que comme organisme d’étude
sociologique ou théologique. De
fait les données contenues sur ce plan dans le rapport sont décriées par
tous les universitaires spécialistes de ces questions que la commission a
d’ailleurs omis d’entendre. Revenons
à la troisième phrase du paragraphe : « Elle
a aussi utilisé, dans une moindre mesure et avec la prudence requise, les témoignages
directs d'anciens adeptes. » Ceci
est un mensonge à plusieurs titres : les témoignages calomnieux et
souvent injurieux d’anciens adeptes sont cités dans le rapport, à
tout bout de champs, sans aucune circonspection. D’autre part, les RG se
sont abreuvés en renseignements à la source des
associations anti-sectes qui ont fondé leur approche presque
exclusivement sur le témoignage des apostats. Enfin,
la moindre des « prudences » aurait été de croiser ces témoignages
avec ceux de membres de ces mouvements. Les « enquêteurs » ne
l’ont jamais fait. Les quelques citations d’enseignants spirituels ou
d’adhérents aux groupes ou associations désignés, ne sont présentées
qu’habillées de dérision. Un
peu plus loin dans le rapport, on trouve le chapitre : 1.-
Des illégalités nombreuses et variées De
l'ensemble des décisions de justice auxquelles Ceci
est une nouvelle malhonnêteté, un mensonge par omission. Il est évident que
la question qui vient immédiatement à l’esprit d’un lecteur tant soit
peu critique, à la lecture «d'illégalités nombreuses », est
« Combien ? » La
réponse est « un chiffre dérisoire qui aurait infirmé les thèses du
rapport ». Le
simple bon sens suffit à s’en convaincre. S’il
était avéré que ces groupes avaient fait l’objet de condamnations
importantes, et donc inscrites dans les registres des tribunaux, des cas et
des chiffres démonstratifs auraient été mis en avant dans ce rapport. Ces
chiffres auraient été utilisés bien avant sa parution par les activistes
anti-sectes ou le gouvernement français, qui s’est vu interrogé par l’ONU
dès les années 90 sur ses actions coercitives à l’encontre de
certaines minorités spirituelles. Or,
il n’en n’est rien, aucun rapport quantitatif des délits commis par
lesdites « sectes dangereuses» n’apparaît
en 96, ni dans les annales des officines anti-sectes, ni dans les
rapports qui l’ont précédé, ni même jusqu'à aujourd’hui dans aucun
document de On
se contente de parler de « beaucoup de cas », de « maintes
condamnations », de « nombreux délits » et de cas
particuliers… Faute
de chiffres convaincants, quelques cas juridiques sont donc cités et détaillés
de la page 48 à la page 53 du rapport. Nous
vous soumettons ici, parmi les quinze cas cités, ceux qui concernent les délits
les plus graves d’atteinte aux personnes. Nous
avons enquêté sur certains cas qui manquaient de précision (2).
Les informations rapportées sont rajoutées en bleu, le texte du rapport est
en vert. Nous
avons, contrairement au rapport de l’Assemblée, rendu ces cas anonymes afin
de ne pas causer de tort aux personnes concernées. Sans
vouloir minimiser les souffrances réelles que peuvent représenter certains
de ces cas, nous vous demandons d’avoir à l’esprit que ceci est donc le
pire que les « enquêteurs » aient pu trouver sur dix années
d’activité de 172 groupes représentants environ 160 000 personnes
(selon le rapport). Premier
cas cité : (…) le Tribunal de grande instance de Versailles
a-t-il établi, dans une décision des 8 et 9 février 1995 (n\xfb 234) que M.
et Mme M., les dirigeants de la secte " X " , se sont rendus
coupables, entre autres, de violences sur mineur de quinze ans, d'enlèvement
et de séquestration. Condamnations
pour « Violences volontaires sur mineur de 15 ans ayant entraîné une
incapacité inférieure ou égale à huit jours ». -Condamnation
à 400 000 francs de dommages et intérêt pour le directeur d’un
centre d’accueil où une personne est morte d’une crise d’épilepsie. Extrait
du jugement : « La victime avait pris la décision de réduire
sa consommation médicamenteuse, puis de l'interrompre au risque de
compromettre son état de santé, les prévenus ne l'ont à aucun moment prévenue
de la nécessité d'un examen médical d'admission, lequel aurait
vraisemblablement permis de contre-indiquer la cure de sevrage ; qu'il est
inconcevable que la victime ait pu être acceptée sans cet examen et sans
entretien sérieux malgré ses déclarations sur son état de santé et son épilepsie. » -:Exercice
illégal de la médecine. « Le
Bon pasteur «, se réclamant du titre d'évêque (il avait été ordonné tel
par des ecclésiastiques n'obéissant plus à Rome après le Concile de
Vatican II), prétendait guérir ou soulager ses " fidèles " par
des paroles, des prières, des appositions des mains, l'utilisation d'un
pendule et des pratiques d'exorcisme et de désenvoûtement. » No4 :
Condamnation pour manquement de soin : Le tribunal a jugé
que les parents avaient « compromis gravement par manque de
direction nécessaire la santé et la sécurité de [leur] enfant Yoann "
et tombaient, de ce fait, sous le coup de l'article 357.1 du code pénal, en
l'envoyant à l'âge de six ans et demi en Inde dans une école de Dharamsala
dirigée par les adeptes de cette secte. » L’inculpation
fait suite à la plainte des grands-parents de l’enfant qui se languissaient
et s’inquiétaient pour lui. Les parents, condamnés à trois mois avec
sursis, ont conservé la garde de l’enfant. No5 :
Cas de divorce : La mère est témoin de Jéhovah, extrait du
jugement : "
Il n'appartient certes pas au Tribunal de se prononcer sur les bienfaits ou
méfaits de la secte (...) L'éducation
des enfants ne saurait en effet consister en un endoctrinement basé sur une
vision particulièrement cataclysmique du monde dont seuls les adeptes de la
secte seraient préservés, mais au contraire en un éveil de l'esprit, une
ouverture à tous les domaines de la connaissance et à toutes les
disciplines, ainsi qu'aux relations avec les autres sans discrimination de
race, de religion ou d'idées.(…)" En l'état actuel, afin de préserver
tant le présent que l'avenir de ces deux enfants (...), il apparaît nécessaire
de fixer leur résidence habituelle chez leur père qui exercera l'autorité
parentale. (...) " -Condamnation
pour diffamation : (…) un article de cette publication, titré
" Une milice de la pensée " et consacré à l'Association de Défense
de -Cas
de «diffamation publique, assimilée à l'injure » : "(…),
pour avoir écrit en faisant référence à l'ADFI : « (…) Il me
paraît vital pour la liberté de religion et pour la liberté d'opinion de dénoncer
et d'arrêter les agissements de ce groupe fascisant qui tire sur tout ce qui
bouge qui soit nouveau ou différent... » -Cas
de tromperie : -Cas
d’abus de confiance » : La fameuse affaire de la secte du F-
illustre, d'autre part, parfaitement le cas d'abus de confiance commis par les
dirigeants de sectes au détriment de leurs adeptes. En l'occurrence, ils se
prévalaient indûment du titre de prêtre, ce qui leur avait permis
d'extorquer à leurs fidèles un montant important de dons. » Extrait
du jugement : "le tribunal constate que les inculpés ne peuvent se
prévaloir du titre de " prêtres " ou "d'évêques" de la
religion catholique romaine ". Mais d'autre part, le tribunal s'appuyant
sur les nouvelles déclarations des témoins de la défense qui affirment être
parfaitement au courant de la situation canonique des pères estime qu'ils
n'ont pas été trompés. Par conséquent, le délit d'escroquerie n'étant
pas constitué, le tribunal a relaxé les inculpés de la poursuite
d'escroquerie. Vous
aurez pu constater que le préjugé est présent dans plusieurs cas, c'est-à-dire
que le magistrat parle de secte, ce qui sous-entend qu’il se fait complice
du jugement péjoratif porté par le plaignant ; que les croyances religieuses
sont parfois soumises à jugement de valeur, au mépris de tout principe de laïcité
; et enfin, que deux cas sont des épisodes de la guerre menée par des
associations anti-sectes contre certains groupes et ne peuvent être
objectivement pris comme preuve de la supposée dangerosité intrinsèque des
minorités spirituelles. Voici
quelques autres des bourdes du rapport. Ce qui précède souligne le caractère
calomnieux et hypocrite de ces affirmations. (…)
les cas de dérives sectaires se multiplient. Les dommages causés aux
victimes sont particulièrement graves (ruine, démence, suicide...) car, dans
ce type de sectes, les techniques de manipulation mentale sont extrêmement
perfectionnées. (…)
La commission a donc bien pris garde de faire un amalgame entre tous les
groupes spirituels existants. Elle a considéré qu'elle devait se cantonner
à examiner les nuisances provoquées par les seules sectes dangereuses. Et
ce, pour mieux tenter de dégager les moyens de les combattre. Tout
est là, l’absurdité kafkaïenne d’un illogisme obstiné et péremptoire.
En
d’autres temps on aurait dit : « Ils sont habités par le démon »,
la torture provoquant les aveux, preuves
de l’assertion. On
fournit aujourd’hui des justifications dans le langage de la science et de
la rationalité, mais elles sont tout aussi vides de sens et de réalité
objective. Par
exemple, le premier cas évoqué, de « violence sur mineur », ou
celui de « manquement de soin » sont à mettre en miroir avec le
rapport 2005 de l’Observatoire national de l'Action Sociale décentralisée sur
« la protection de l’enfance » qui fait état, pour 2004, et
pour l’ensemble de la population française de 19 000 enfants « victimes
d'abus sexuels, de violences physiques ou psychologiques, de négligences
lourdes ». Ce
même rapport a relevé les « Facteurs à l’origine du danger »
sur l'ensemble des "signalements produits". (3) « Carences
éducatives des parents 47 500 soit 50 % des enfants signalés Conflits
de couple et séparation 28 500 soit 30 % des enfants signalés Problèmes
psycho pathologiques des parents 12 350 soit 13 % des enfants signalés Dépendance
à l’alcool ou à la drogue 11 400 soit 12 % des enfants signalés Maladie,
décès d’un parent, chocs affectifs 6 650 soit 7 % des enfants signalés Chômage,
difficultés financières 12 350 soit 13 % des enfants signalés Cadre
de vie, habitat 7 600 soit 8 % des enfants signalés Errance,
marginalité 3 800 soit 4 % des enfants signalés Autres
11 400 soit 12 % des enfants signalés » Aucune
trace d’une corrélation constatée entre « sectes », « dérives
sectaires », ni même spiritualité ou religion et la maltraitance des
enfants. Ces mots n'apparaissent même pas dans l'intégralité du rapport de
l'ODAS. Le
pitoyable rapport Gest-Guyard est aujourd’hui encore directement ou
indirectement la « Bible » des activistes anti-sectes et des
journalistes. Les associations anti-sectes subventionnées par les
ministères et certains députés déjà membres de la commission d’enquête
de 1996 continuent à réclamer en 2006 des finances et l’attention de tous
les organes de l’Etat pour lutter contre les sectes qui « embrigadent
les enfants » et ils sont suivis dans cette psychose absurde non
seulement par les médias mais aussi par les pouvoirs publics et la majeure
partie de la population. Il
est probable que l'on dise un jour que l’ensemble de la politique dite de
« lutte contre les dérives sectaires » de l’Etat français était
une bourde, au sens le plus commun du terme, une faute grossière, au vu de
l’ensemble plus vaste que constitue l’histoire de l’homme, une erreur
involontaire, au sens où ceux qui la perpétuent sont aveugles et sourds aux
conséquences de leurs actes pour l’ensemble de la société.
(2)
Avec le corollaire suivant : toute imprécision de chiffres ou dans la
description des faits cache peut-être une donnée qui nuirait à la démonstration
de la dangerosité des « sectes ». Ce
corollaire, pour ce qui concerne le rapport Gest-Guyard dans son ensemble,
s’est révélé très fructueux (3)
Ces statistiques correspondent aux signalements produits, c'est-à-dire aux
"situations à risque" et non à des dommages constatés.
Partie 3 : caricatures et sombres desseins Partie 4 : L'affaire Horus et celles des objecteurs de conscience.
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