Nouveau guide de la MIVILUDES 2010 : la politique de la peurPar le CICNS (octobre 2010) Guide :
« La
protection des mineurs contre les dérives sectaires
Les premières pages de ce « guide » frappent par la
répétition d’une volonté plus alarmante et de plus en plus clairement affichée :
Prendre en compte le risque et plus seulement
une situation avérée p.17 : «
La prise en compte de la dérive
sectaire du point de vue du risque et non plus seulement du danger
avéré doit jouer un rôle central dans la prévention et l’anticipation
d’un danger potentiel vis-à-vis des mineurs. » p. 14: « La
situation d’un mineur en danger ne se limite donc pas à des cas de
maltraitance avérés mais implique la prise en compte d’un risque
potentiel dans le cadre d’une prévention nécessaire ». Toute dérive policière et entrave aux libertés
individuelles sont donc légitimées par ce genre de propos qui soulève
pourtant peu de contestations dans notre pays progressivement formaté
à abandonner ses acquis, comme c’est le cas de la plupart des pays
occidentaux depuis le début du XXIe siècle. p.18 On enfonce le clou :
« La notion de dérive sectaire (est) à la fois inscrite dans le
champ de l’intervention judiciaire et en adéquation avec la priorité
accordée à la prévention. » Un croquis sommaire p. 19 donne un petit air scientifique à ces coups de boutoir et permet de simplifier le message pour le grand public : il faut détecter la dérive sectaire avant qu’elle n’existe (alors même que page 74 (soit très loin dans le « guide »), il est très justement rappelé : «S’en tenir aux faits en se fondant sur les éléments susceptibles de porter atteinte au mineur au sens de l’article 375 du Code civil » On peut également apprécier p. 77 : « Si la notion de dérive sectaire peut permettre de donner un sens à des indices épars et qui, sans cela, ne seraient pas significatifs, elle ne doit pas se substituer à l’analyse objective de ces indices. »). p. 20 Le dilemme des acteurs de l’antisectarisme
primaire à la française est assez savoureux dans ce qu’il révèle de
l’anomalie de la situation française : « Un individu sous emprise
affirmera que son adhésion est totalement volontaire et qu’il n’y a
là aucune forme de soumission. Un tel discours peut éventuellement
troubler le travail des différents acteurs de la protection de
l’enfance ». Nous n’aurions pas su mieux définir (et avec autant
d’indécence assumée) la problématique de leur action.
De nouveaux petits dessins p.21 permettent de bien
montrer que la « quête de sens » rend vulnérable et que « la chaleur
humaine », le « culturel, le spirituel et le thérapeutique » vont en
profiter pour vous tomber dessus et vous détruire (deux tableaux sont
consacrés aux formes de la destruction dont
: « l’adepte croit
consentir librement » et adopter « une nouvelle éthique à la place
des anciennes ».) Ensuite, le
guide s’évertue à définir de manière relativement confuse (toujours
le problème de la légalité, l’action de la MIVILUDES étant toujours
dans la marge d’une action démocratique, avec des précautions de
style qui contredisent l’intention évidente de répression sans
retenue) les indices de dérives sectaires subies par l’enfant, à
l’école, dans la famille, dans une association, un peu partout. Des
questions clés sont posées pour aider à détecter les risques.
Certaines questions, très répétitives, incantatoires, sont des lieux
communs, questions légitimes que l’on doit se poser vis-à-vis de
l’enfant en toutes circonstances, et pas seulement dans les minorités
spirituelles. D’autres sont des répétitions des « indices de dérives
sectaires » copiés collés de chez les ADFI, nous vous en épargnerons
la liste, et d’autres sont tout simplement abusives dans un pays de
droit. Ces questions, prises séparément les unes des autres, ne
pouvant que susciter la méfiance à l’égard d’activité ou de choix
personnels parfaitement normaux et acceptables :
L’adolescent
a-t-il brusquement changé de comportement voire de tenue
vestimentaire ? Refuse-t-il systématiquement de fréquenter des
camarades qui ne partagent pas ses points de vue ? Est-il plus
demandeur d’argent de poche ? Ses changements comportementaux
importants coïncident-ils avec la rencontre d’un adulte à l’occasion
d’un stage, d’une activité bénévole, associative ou sportive ; ou son
intégration dans un nouveau groupe d’amis, sans lien avec ses
fréquentations habituelles ? Là encore, la
tendance de plus en plus
officielle à détecter des risques avant qu’ils soient manifestés
s’exprime bien. Le contrôle de l’instruction à domicile occupe
également plusieurs pages, rappelant les limites toutes récentes
(2007 et 2009) qui lui ont été opposées, toujours « grâce » à la
lutte antisectes.
p. 80 Un cas est cité, où l’absence de détection d’un problème
« sectaire » par un expert est attribué au fait que cet « expert
nommé pour recueillir la parole des enfants (…) en l’absence d’une
formation en amont, il ne parvient pas à diagnostiquer le risque de
dérive sectaire. »
P 63, la
MIVILUDES évoque « certains
écueils récurrents » à éviter dans la manière « d’appréhender le
phénomène
sectaire » dont
deux nous semblent à la fois pertinentes et amusantes (car elles
pourraient à elles seules remettre en question la totalité de la
lutte antisectes). Selon la MIVILUDES, il faudrait donc faire
attention à ne pas :
- Dramatiser le contexte
(« Il
perçoit de manière excessive, comme dans un miroir grossissant ») ;
- Céder à la fascination (« Il
n’est pas rare que certaines familles témoignent d’une ouverture
apparente et fassent preuve d’un accueil chaleureux vis-à-vis du
professionnel de l’action sociale. ») Pour conclure, le style rédactionnel de la MIVILUDES marche
toujours sur un fil. Il s’efforce de respecter la légalité tout en
travaillant à induire des menaces latentes, potentielles, des risques
possibles. Il est alors assez facile de pointer du doigt tout et
n’importe quoi pour y trouver les fameux « risques potentiels »
(faute d’avoir trouvé suffisamment de risques réels jusqu’à
aujourd’hui ?). L’ensemble de ce guide est alarmant dans ce qu’il
génère chez le lecteur de confusion, d’amalgame entre menace réelle
et nécessité de prévention sur des situations inexistantes, dans
l’insistance (depuis des années) à présenter les comportements les
plus sains, les plus légitimes (quête de sens, changement d’opinion,
changement de mode de vie) comme des signes de danger, motivant la
population à la délation, à la peur dans toutes les situations de la
vie quotidienne. De longues parties du guide sont d’ailleurs
consacrées à expliquer « comment faire un signalement » aux
administrations « compétentes », ce qui constituerait une information
technique légitime si elle ne reposait pas sur des dizaines de pages
de glorification de la rumeur, du lieu commun, de la peur du voisin
et de tout ce qui est nouveau. Rien de nouveau dans cette lecture
pénible de la dérive d’une politique non seulement vouée à l’échec
dans son approche des comportements humains mais qui est en passe de
susciter de plus en plus de peurs irrationnelles et d’injustice dans
notre pays.
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