Rapport 2007 de
Commentaire d'Éric Bouzou
Le
rapport 2007 de
Le
positionnement en martyr de
Un
effort particulier des rapporteurs consiste à présenter La
section intitulée « Stratégie
d’influence de la mouvance sectaire à l’international : l’exemple de
l’OSCE » (page 111)
est un réquisitoire offusqué de vingt pages sur les critiques effectuées à
l’encontre de la politique antisecte française. Page 122 il est précisé :
« l’énergie déployée par
certaines ONG, tant au sein qu’en dehors du cadre de l’OSCE, pour critiquer
les pays investis dans la vigilance et la lutte contre les dérives sectaires mérite
qu’on s’intéresse à leur profil ». Des
minorités et des associations de défense des libertés oseraient donc utiliser
les tribunes européennes pour défendre des droits légitimes. Page 115 le
paragraphe titre « Des cibles récurrentes
: les acteurs, institutionnels ou non, de la vigilance et de la lutte contre les
dérives sectaires ». Faire passer Il
manque au rapport un paragraphe pour compléter cet épanchement victimaire.
Celui qui mentionnerait les appréciations fort critiques, au sein même du
gouvernement, à l’endroit de Concernant
la différence de culture entre le Ministère de l’Intérieur et la mission
placée sous l’autorité du premier ministre, nous renvoyons le lecteur à
l’article du Monde écrit par Raphaël Liogier (Révolution culturelle dans la
lutte anti-secte : http://www.cicns.net/sociologues_raphael_liogier_le_monde_sectes_alliot_marie.htm
). De l'usage de la prétérition
La
prétérition est une « figure de rhétorique,
par laquelle on fait semblant de ne pas vouloir parler d'une chose dont
cependant on parle" (Académie française).
"(...) figure de rhétorique par excellence, en ce qu'elle influence
l'attitude de l'interlocuteur (...) (universalis.fr). On
retrouve cet artifice rhétorique et ses variantes tout au long du document à
la fois dans le vocabulaire employé et dans les arguments déployés. Il
ne faut plus parler de « sectes » désormais ; le rapport est
attentif à ce point, il parle donc de mouvements sectaires. Y a-t-il une réelle
différence ? Les groupes ne sont-ils pas visés en tant que tels malgré
des précautions oratoires trompeuses imposées par un code de bonne conduite ?
Au sujet du terme « secte » qui pose toujours problème, le rapport
précise page 13 « l’absence de définition
de la secte n’efface pas la réalité de l’existence de victimes des dérives
de certains mouvements sectaires. Cette notion de dérives sectaires est évolutive
et son approche française est à la fois pragmatique et textuellement encadrée ».
Le texte cohérent (souligné) avec les intentions affichées aurait dû être :
« (…) la réalité de
l’existence de victimes des dérives sectaires de certains groupes (…) ».
Mais la tentation est trop grande de cataloguer le groupe : on remplace
donc « secte » par « mouvement sectaire » et le tour est
joué. Mme Picard, actuellement présidente de l’UNADFI, avait affirmé
qu’il ne fallait pas préciser la notion de « secte » car les
dites sectes se débrouilleraient toujours pour sortir de cette définition.
Elle n’avait pas jugé bon de reconnaitre que cette imprécision délibérée
lui permettrait en revanche de faire rentrer officieusement sous ce label
n’importe quel mouvement arbitrairement. Le choix a donc été officiellement
« d’encadrer » la notion « évolutive » de dérive sectaire. On imagine bien la
taille du cadre pour y faire rentrer une notion floue et évolutive. M.
Roulet affirme dans le mot du président : « Il
ne s’agissait pas, pour Page
44, le rapport effectue un bilan des métiers de l’accompagnement
psychologique : « Ce panorama des métiers de l’accompagnement psychologique (…) met
en évidence une insuffisance voire une absence de formation initiale dans les
disciplines concernées, pour plus de la moitié des psychothérapeutes recensés
par une fédération professionnelle, soit un ensemble de 5 000 à 7 000
praticiens. Ce constat, s’il ne doit pas aboutir à la conclusion hâtive que
la moitié au moins des psychothérapeutes aurait des pratiques charlatanesques
et dangereuses, est néanmoins un facteur de risque aggravé dans ce secteur de
prestations (…) ». Il est permis de douter que l’auteur de ces
lignes n’ait eu aucune intention de décrédibiliser les psychothérapeutes ;
la quantification hâtive bien qu’aussitôt démentie du nombre de charlatans
était inutile, d’autant plus en suggérant que tous les psychothérapeutes
considérés pourraient être incompétents. Dans
la section : « Les risques liés
à certaines techniques de coaching en entreprise »
page 83, les auteurs du rapport précisent :
« S’il n’est pas dans le propos
de la présente étude de prendre
parti sur la philosophie de la doctrine ou sur le contenu de ses méthodes
induites, «
Il est absolument essentiel de se référer à la doctrine du mouvement et de
l’intégrer à l’enquête (…) »
n’est rien d’autre qu’une évaluation des doctrines et pratiques (y
compris religieuses) par un organisme d’état laïc qui n’est pas censé
s’occuper des croyances. Les
rapporteurs ne peuvent ignorer l’impact nécessairement négatif a priori de
ce type de rhétorique sur les personnes ciblées. L’argument
fallacieux (et peu démocratique) de l’emprise mentale
Emprise
mentale, manipulation mentale sont les nouvelles expressions qui ont remplacé
la notion plus imagée de lavage de cerveau. Ce sont des notions centrales de
l’argumentaire antisecte qui peut s’exprimer de la sorte : les adeptes
d’une secte sont manipulées mentalement : ceux qui s’en plaignent en
sont les témoins vivants, ceux qui prétendent avoir fait un choix conscient
d’adhésion au groupe et sont satisfaits de ce choix, sont les plus atteints. Le
rapport affirme page 37 : « Les
notions d’emprise mentale et de mise en état de sujétion, qu’elles soient
un des éléments matériels de l’infraction ou qu’elle ne constituent que
le contexte de cette dernière, sont toujours un préalable à la mise en œuvre
d’une dérive sectaire ». Résumons : pour évaluer une dérive
sectaire, le juge aurait donc à sa disposition les dix critères de dangerosité
rappelés page 26 ; si un certain nombre sont avérés (le nombre est à sa
discrétion vraisemblablement), il pourra alors parler effectivement de « dérive
sectaire », conclure à l’existence d’une « emprise mentale »…et
appliquer la loi About-Picard, cette regrettable tentative du législateur français
de pénaliser la notion floue et non maîtrisée de sujétion psychologique (la
traduction juridique actuelle de l’emprise mentale). Les
rapporteurs ont utilisé une logique circulaire qui ne s’embarrasse pas d’éviter
les contradictions puisqu’ils concèdent page 28 : « Face
à la complexité de déterminer à quel moment un individu, qui choisit
initialement librement de s’en remettre aux exigences de son nouveau groupe,
perd cette liberté par une mise en état de sujétion, le juge pénal a, dans
l’analyse des dossiers de dérives sectaires, dégagé la possibilité de
cerner la notion d’emprise mentale à la fois dans le cadre de l’application
de la loi About-Picard et dans la mise en oeuvre des autres textes du code pénal,
car il n’y a pas en France de législation « antisecte » mais des textes de
droit commun pouvant s’appliquer aux dérives sectaires ». Le
juge peut donc être rassuré. S’il ne sait pas ce qu’est l’emprise
mentale, il pourra toujours appliquer la loi About-Picard qui sait punir ce
qu’il ne comprend pas. Il aura recours au soi disant
« expert » (ils se comptent sur les doigts d’une main) qui,
étant donné la volatilité du sujet, prendra la décision à sa place. Dans
la jurisprudence américaine, une théorie scientifique ne peut être invoquée
que si elle fait l’objet d’un consensus majoritaire de la communauté
scientifique concernée (Voir l’ouvrage de Massimo Introvigne : « Lavage
de cerveau – mythe ou réalité »). Cette approche paraît
raisonnable. Apparemment en France, ce n’est pas le cas. Nous n’avons pas
connaissance d’une théorie de l’emprise mentale qui soit partagée par une
majorité de la communauté scientifique ad-hoc et nous considérons comme
particulièrement inapproprié que le parlement français ait voté une loi pénale
sur un sujet d’étude aussi délicat (et qui devrait encore être cantonné au
milieu de la recherche), en visant de plus ostensiblement une partie de la
population, malgré les affirmations du contraire (si cette loi n’était pas
discriminatoire à l’encontre des dites « sectes », elle aurait été
invoquée par exemple à l’endroit de la société Renault sur la base des
critères de dangerosité mentionnés page 26 et le nombre de suicides constatés
dans l’entreprise ; nous ne souscrivons bien sûr pas à l’utilisation
de cette mauvaise loi à l’encontre du constructeur automobile, mais
souhaitons pointer du doigt par cette illustration, les incohérences du législateur
et de L’absence de méthodologie et l’insuffisance chronique de références et de chiffres vérifiables
Le
lecteur du rapport 2007 de Les
sociologues des religions sont ignorés comme d’habitude. Les auteurs du
rapport précisent page13 « (…) aujourd’hui
les dérives sectaires sont plus nombreuses dans le domaine de la santé, des thérapies
alternatives et du développement personnel, que dans le cadre à proprement
parler spirituel et religieux ». Cette phrase laisse entendre sans
vraiment le dire que le phénomène de dérives sectaires dans les milieux
spirituels n’a pas l’ampleur qu’on a laissé entendre pendant 30 ans. Non
seulement Une
section est consacrée au satanisme. Dans un article du Monde du 17 mars 2008,
Stéphanie Le Bars précise : « [selon] Olivier
Bobineau, membre du groupe Sociétés,
religions, laïcités du CNRS, un temps associé aux travaux de Page
159 le paragraphe du rapport titre : « Regard
d’une psychologue sur les dérives de la pratique des faux souvenirs induits ».
Delphine Guerard (Psychologue clinicienne de l’association « Alerte Faux
Souvenirs Induits ») commente sur dix pages la pratique des
souvenirs induits. Pourquoi
le travail d’Olivier Bobineau (et celui d’autres chercheurs) n’est-il pas
intégré à la présentation de Il
ne nous appartient pas d’évaluer la doctrine du satanisme ou la théorie des
souvenirs induits, notre propos est de questionner les précautions prises pour
garantir des enquêtes de qualité. Un organisme public d’évaluation des
risques, sur des sujets aussi vastes et diversifiés que les nouvelles
spiritualités et les méthodes alternatives de santé, se doit d’être un
organe de synthèse des travaux de recherche. Il doit être le relai du
consensus scientifique et juridique sur ces sujets, s’il y en a un. Si le
consensus n’existe pas, sa mission est de s’assurer que des travaux
permettront d’aboutir à une vision d’ensemble équilibrée. On peut
admettre la partialité, tout en la regrettant, d’associations comme l’UNADFI
ou le CCMM. Elle n’est pas acceptable de la part d’une mission rattachée au
premier ministre. Le
rapport fait référence page 101 à l’association INFORM. Le travail de fond
effectué par cet organe britannique d’étude des minorités spirituelles
(voir notre interview de sa présidente) est à l’opposé de celui effectué
par Concernant
les chiffres qui permettraient d’illustrer le prétendu fléau social constitué
par les dérives sectaires, ils sont bien évidemment absents (ou contredits :
voir la citation précédente d’Olivier Bobineau sur le satanisme). Page 13
les dérives seraient « plus nombreuses » dans le secteur de la santé
et du développement personnel. Trente années de lutte auraient dû, en
principe, permettre à Curieusement
cette absence de chiffres étonne dans le paragraphe commentant les suites de la
commission d’enquête parlementaire « l’enfance volée » page
53. Rappelons les faits : avant enquête, les députés en charge avaient
affirmé péremptoirement que 80 à 100 000 enfants étaient en danger dans
les sectes. Après enquête et en dépit des preuves contraires apportées par
les différentes administrations, le rapport de la commission persistait à
annoncer des chiffres extravagants de 60 à 80 000 enfants en danger. Ces
chiffres ne sont pas mentionnés dans le rapport 2007 de
Le
déni de légitimité des minorités et des ONG à témoigner au sein des
instances européennes se double d’un déni de légitimité dans l’accès au
système judiciaire. Ce point est illustré page 53 par une nouvelle loi proposée
par le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, suite à la
commission d’enquête parlementaire « l’enfance volée » :
« Des témoins cités par Des
personnes auront donc désormais le droit de s’exprimer sans retenue lors
d’auditions publiques et médiatisées sans que les groupes visés puissent être
entendus et sans qu’ils puissent avoir recours à la justice ; cette loi
s’apparente à un véritable droit de diffamer en paix à l’encontre des
mouvements désignés comme sectaires. Ce
déni d’accès légitime au système judiciaire est d’ailleurs plus général
puisqu’on reproche très souvent aux « mouvements sectaires »
un « acharnement procédurier » chronique. Il est possible
que certains groupes utilisent intensivement l’appareil judiciaire pour se défendre
mais ils ne le font pas par plaisir. C’est une riposte à l’acharnement
d’une partie des pouvoirs publics et des médias pour les transformer en boucs
émissaires. Lorsqu’un député se permet de dire (avec un sentiment
d’impunité assez remarquable) au cours d’un journal télévisé de grande
écoute, que les membres d’un mouvement spirituel (à savoir les Témoins de Jéhovah)
sont tous de « parfaits délinquants » et que le journaliste
l’interviewant ne trouve aucun commentaire à faire, faut-il accepter le
lynchage médiatique ? N’est-il pas légitime d’utiliser les outils
juridiques mis à disposition des citoyens ? Lorsqu’une mairie refuse sans
justification légale à un mouvement, soit un permis de construire, soit la
location d’une salle de réunion, en se basant sur l’inscription du
mouvement dans le rapport parlementaire sur les sectes, pourtant sans valeur
juridique, faut-il accepter cette discrimination ou demander réparation au
tribunal administratif ? Il est du reste probable que la majorité des
groupes et des personnes visées n’ont pas les ressources financières ou l’énergie
pour aller en justice aussi souvent que cela le mériterait, ce qui donne une
grande latitude pour discriminer impunément. Le choix de l’aveuglement
Nous
avons rencontré M. Roulet le 24 octobre 2006 et lui avons demandé s’il
avait conscience des discriminations subies par de nombreuses personnes honnêtes
et sincères qui sont visées directement ou indirectement par la politique française
de lutte contre les sectes. Sa réponse a été qu’il n’était pas au
courant mais néanmoins intéressé d’en entendre parler. Suite à notre exposé
(qui a été complété par la suite par d’autres informations) nous avons pu
constater que le président de Page
Il
ne s’agit pas, du reste, de rendre « invisibles » des victimes prétendues
ou réelles. Mais la visibilité évoquée
ne peut pas être que médiatique pour en amplifier artificiellement et
trompeusement l’impact ; elle doit être basée sur des enquêtes croisées
avec un panel d’expertise pluraliste et reconnu (sociologues, juristes,
praticiens du monde de la santé, etc.) permettant d’aboutir à un classement
et une quantification des différents litiges. Ce travail d’analyse ne préjuge
pas des dispositions à mettre en place pour traiter la souffrance des
personnes, mais il convient de ne pas associer systématiquement et a prirori
l’expression d’une souffrance avec la culpabilité d’un groupe, d’un
gourou, d’une doctrine. Ce travail n’a jamais été fait, sans doute, comme
l’ont démontré les auditions des différentes administrations lors de la
commission d’enquête parlementaire « l’enfance volée », parce
que le nombre de victimes réelles est très faible et remet en cause l’action
conduite jusqu’à présent. Prenant
le contre pied d’une approche pragmatique, au cas par cas, évitant les
amalgames et reposant sur des enquêtes et statistiques juridiques et
scientifiques, Sortir du tunnel
Nous
ne pensons pas que la politique de Dès
lors que le contexte d’étude d’un phénomène de société n’est plus
serein (et le contexte d’étude des « sectes » ne l’a jamais été),
la priorité est de restaurer un climat de confiance et les conditions d’un
vrai débat. La création d’un observatoire indépendant des minorités
spirituelles permettra à la fois de rétablir un environnement favorable et de
s’engager dans une véritable démarche de connaissance. Le CICNS encourage le
Ministère de l’Intérieur à suivre cette voie. |
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