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L'affaire de la Kinésiologie

Par Éric Bouzou du CICNS (mai 2005)

Le procédé est maintenant classique. A chaque fait divers, les médias se précipitent dans une attitude d'amalgame systématique qui permet de faire un lien même lointain avec un mouvement, une pratique spirituelle ou un choix de santé alternatif. Comme s'il était nécessaire de trouver un bouc émissaire aux drames qui nous entourent, un coupable qui rassure sans autre remise en question.

Ces derniers jours, on nous parle de cinq personnes sur le banc des accusés. Mais c'est bien la Kinésiologie qui est montrée du doigt.

La Kinésiologie consiste aujourd'hui en un ensemble de techniques de soins alternatifs. Nous ne souhaitons pas porter un jugement sur leur valeur mais nous pouvons constater qu'elles font la promotion d'une vision dite holistique de la santé. Comme toutes nouvelles idées, comme ce fut le cas pour toutes les sciences, il faut du temps pour arriver à une maturité. Et il peut aussi y avoir des branches qui dérivent vers moins de sérieux. Mais il serait souhaitable d'être très prudent avant de parler de dérives, tant l'histoire nous a démontré que nous étions réfractaires au changement et aux idées qui dérangent le savoir établi. 

Mais en admettant qu'il y ait quelques dérives, faut-il couper le tronc ? Faut-il le couper parce que certains estiment avoir été floués ?Tout le monde est-il satisfait du mode de soin actuel ? 

Certainement pas, mais personne n'envisage de le supprimer pour autant.

Certaines personnes sont fragiles. Il faudrait les protéger contre les charlatans. L'intention est louable, mais jusqu'où doit aller cette protection ? Les arguments donnés par les médias laissent entendre que l'entière population sensible à l'approche de la Kinésiologie n'a pas son libre arbitre ni l'intelligence pour reconnaître ce qui est bon pour elle ou pas. Certains se disent manipulés.

Dans tous les domaines de la vie certains se sentiront toujours manipulés ou le seront effectivement. S'il y a des excès, ils doivent être traités par la justice. Mais ces excès doivent être traités avec justice.

Et s'il faut en arriver aux chiffres, que l'étude soit faite.Combien de décès ou maladies pour erreur de diagnostic ou mauvaise hygiène dans notre système de santé et combien d'incidents du même genre dus à une utilisation des méthodes kinésiologiques ?

Le drame de Moëlan-sur-Mer semble autoriser tous les débordements parce qu'un petit enfant est mort. L'enquête dira peut-être dans quelles conditions et pourquoi cet enfant est décédé. 

Mais l'amalgame aussitôt fait entre ce drame et la Kinésiologie en général n'est pas acceptable, même si ces parents avaient connaissance des méthodes kinésiologiques et les appliquaient.

Beaucoup de personnes abusent des tranquillisants et détériorent leur santé, parle-t-on de la secte des laboratoires pharmaceutiques ?

L'argument de l'argent est également présenté pour discréditer la Kinésiologie. Cette méthode serait une façon de s'enrichir. Les prix affichés dans les principales écoles, même élevés, ne semblent pas démesurés. Ils deviennent tout à coup prohibitifs, semble-t-il, lorsque quelqu'un n'est plus satisfait. C'est une réaction que tout le monde connaît et dans toutes les situations imaginables. Que ce soit dans le cadre d'une formation ou d'un soin, il semble toujours possible d'aller se plaindre à l'enseignant ou au soignant que l'on trouve incompétent (on notera que cela n'est, pour ainsi dire, pas possible dans le système de santé officiel, tant il est protégé).

Mais il est un autre aspect lié à l'argent, beaucoup plus insidieux à notre avis, et qui est sans doute un des principaux enjeux de la chasse aux méthodes de soins alternatifs en France.

Nous apprenons qu'un des axiomes de la Kinésiologie est que le corps peut "s'auto-corriger". Voilà une affirmation de nature à en effrayer plus d'un. Car à supposer que cela soit possible, même dans une faible mesure, les sommes d'argent prétendues excessives demandées par le kinésiologue ne sont rien en comparaison du coût des soins allopathiques de notre système de santé.Et le manque à gagner pour certains deviendrait alors considérable.

Dans cet article nous avons parlé de la Kinésiologie mais, en fait, pour le CICNS, il ne s'agit pas particulièrement de défendre cette méthode plus que tout autre. Nous pourrions remplacer ce nom par 500 autres : tous les mouvements listés dans les cahiers de l'ADFI en attendant un autre rapport parlementaire providentiel.

Le sujet est la peur et le pouvoir.La crainte des minorités spirituelles et thérapeutiques s'est développée pour la protection de certains pouvoirs. Les rares dérives des minorités spirituelles ou de santé alternatives sont des épiphénomènes grossis artificiellement par les médias et les pouvoirs publics.

Il serait tellement plus simple de montrer au monde l'optimisme et la simplicité des personnes qui animent d'autres dimensions de la personne humaine malgré leurs défauts et leurs maladresses.

Mais il faudrait un respect mutuel pour cela et une confiance dans un potentiel humain sans limites et riche de cette diversité.

Le 3 Juin 2005, une dépèche AFP d'anthologie annonce les résultats du procès :

La cour d'assises du Finistère a condamné vendredi à 5 ans de prison, dont 8 mois fermes couvrant la détention provisoire, les époux Boucher-Durand, reconnus coupables de la mort par malnutrition et absence de soins de leurs fils Kérywan, âgé de 16 mois. Les époux, qui ont accueilli le verdict avec "soulagement", sont également soumis à une obligation de soins dans le cadre d'une période de mise à l'épreuve de 3 ans.
La cour d'assises présidée par Jean-Luc Buckel a également prononcé une peine de 3.000 euros d'amende pour non assistance à personne en danger à l'encontre des trois médecins qui avaient examiné l'enfant. La cour a suivi les réquisitions de l'avocat général Catherine Sery-Baudry qui avait recommandé aux jurés de prononcer une peine restant "dans un cadre pédagogique", incluant une mise à l'épreuve avec obligation de soins pour continuer à "garder un oeil" sur le couple. "Je crois à leur dangerosité. Il n'ont pas du tout conscience de ce qui s'est passé", avait-elle regretté.
Avant la délibération, qui a duré trois heures, le couple Boucher-Durand a exprimé ses regrets. "Si seulement j'avais pu comprendre que Kérywan était en danger et que sa santé physique nécessitait une réaction immédiate, je n'aurais vraiment pas réagi comme ça", a dit Pascale Durand, affirmant que depuis le drame, le couple avait "complètement changé de vie". "Nous avons rompu tout lien avec la Kinésiologie, je sais combien je peux interpréter les choses de façon aberrante", a ajouté Mme Boucher-Durand, actuellement en doctorat de sciences de l'éducation. Même regret de la part de son époux Ronan, ex-ingénieur, puis enseignant en Kinésiologie jusqu'au jour des faits et aujourd'hui enseignant vacataire en mathématiques. Il a assuré avoir "changé de métier et d'alimentation" dès leur sortie de prison début août 2001.

 

"Nos enfants, dès la moindre anomalie, c'est le médecin tout de suite (..) on a fait un remaniement complet de notre vie (..) la Kinésiologie est radicalement derrière nous. Nous avons à nouveau une alimentation à base de viande et poisson", a-t-il expliqué. Pascale Boucher-Durand a également indiqué que le couple était désormais entouré dans sa vie quotidienne par un "filet de sécurité", des éducateurs pour les enfants, des médecins, des travailleurs sociaux. "Nous cherchons à nous entourer pour qu'il n'y ait plus jamais une situation de ce genre", a-t-elle assuré.

 

Les époux Boucher-Durand, déjà parents de trois filles âgées de 8 à 14 ans, étaient accusés d'être responsables de la mort à 16 mois, par malnutrition, de leur dernier enfant Kérywan qui avait été nourri exclusivement au lait maternel alors que sa mère suivait un régime quasi-végétarien, selon l'instruction.

 

La justice reprochait également au couple qui avait fondé à Moëlan-sur-Mer un établissement de kinesiologie, pratique psycho-corporelle importée des USA dans les années 1960, de ne pas avoir fait hospitaliser l'enfant qui aurait pu être sauvé jusqu'au dernier moment, selon plusieurs experts.

 

Les défenseurs du couple avaient suggéré l'acquittement de leurs clients, au nom du doute qui doit toujours profiter à l'accusé, a rappelé Me Vincent Omez. Celui-ci a notamment regretté le manque d'investigations complémentaires lors de l'autopsie qui faute d'examens complémentaires "n'a pas permis de déterminer les causes exactes de la mort de l'enfant", n'écartant pas "la possibilité une maladie génétique ou métabolique". Fin de la dépèche.

 

...Le retour des brebis égarées dans le giron des normes sociales, le "quasi végétarisme" et l'allaitement maternel élevés au rang de pratique dangereuses, l'affirmation arrogante que "l'enfant aurait pu être sauvé au dernier moment" en contraste avec l'argument de la défense qui envisage une autre cause au décès... ces archives journalistiques seront un jour lues comme les témoignages de l'état d'esprit de notre société moderne.

 

Lire Août 2005 - Gilles Bottine, secrétaire général de la MIVILUDES, se prononce sur la Kinésiologie

 

Voir également la vidéo de l'interview de Jean-Claude Guyard fondateur de l'EKMA

 

Eric Bouzou est ingénieur. Son parcours technique a aussi été jalonné de rencontres avec des personnes animant la dimension spirituelle de l'homme. Cela lui a ouvert des portes. Son intérêt pour la défense de la liberté spirituelle l'a conduit à s'engager activement dans l'action du CICNS.

 

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