« Ils ont été happés par une secte, comment les libérer ? »Par le CICNS, décembre 2010
Jeudi 9 décembre 2010, l'émission de Jean-Luc Delarue présentée
par Sophie Davant « Toute
une histoire » avait pour thème :
Ils ont été happés par une secte, comment les
libérer ?
Etaient présents sur le plateau des parents « d'adeptes de
sectes », d'anciens adeptes de mouvements qualifiés de sectaires et
la psychologue Sonya Jougla spécialisée depuis longtemps dans la
lutte contre les « sectes ».
Jean-Luc Delarue a maltraité à
de nombreuses reprises le thème des
« sectes », cette émission qu'il produit ne fait pas
exception. Il est devenu l'un des principaux illustrateurs
médiatiques de la posture victimaire avec tout ce qu'elle comporte de
racolage émotionnel. Il ne s'agit pas bien entendu de nier la
souffrance exprimée par ses invités mais de dénoncer la façon dont
cette souffrance est utilisée pour faire de l'audimat (probablement
son principal objectif) mais également pour dérouler insidieusement
le discours officiel antisectes, qui, il est vrai, est soutenu au
plus haut de l'Etat français à travers la MIVILUDES.
La
« secte » et son « gourou » sont, par définition (en France), mauvais et
manipulateurs. Il est, dès lors, hors de question de leur laisser un
quelconque espace de parole. Donc, pas de représentants convaincus des
mouvements mentionnés au cours de l’émission. Tout différend humain
implique normalement l'échange de points de vue, de versions et de mise
en perspective différents de la part des protagonistes. Mais pas pour
ceux qui interviennent dans les « sectes ». Ceux qui sont dans une
« secte » ont forcément tort, ils sont au mieux des victimes,
souffrant de vice du consentement par manipulation mentale, au pire
des manipulateurs (« Un gourou
n'aime pas ses adeptes » comme l'affirme Sonya Jougla, on est
prié de croire « l'experte » sur parole). La psychologue adopte le
ton péremptoire de la personne qui sait même lorsqu’elle ne sait pas,
par exemple lorsqu’elle propose une définition juridique de la secte
(« groupe
dans lequel un gourou assujettit des personnes et les amène contre
leur gré à commettre des actes qui sont préjudiciables pour eux »),
qui n’existe pas.
L'hypocrisie consiste en particulier à ne pas nommer les groupes.
Parce que le risque de diffamation est patent, on fait alors semblant
de rester anonyme. Mais toute personne un peu informée aura reconnu
qu'il s'agissait entre autres de
La
Famille et Amour et Miséricorde.
L'aspect le plus préoccupant de ce type d'émission est que la
confusion affective est placée au rang de vérité absolue, elle est le
baromètre du « juste ». Un parent est troublé parce qu'un de ses
proches est dans ce qu'il appelle une « secte », le manque affectif
qu’il exprime devient alors la preuve de son bon droit. Son
proche avec ses choix de vie n'existe plus (il est de toute façon
dans une « secte », sa parole est invalide). Peu importe que ce
parent ait lui-même une position radicale de rejet vis-à-vis des
choix d’autrui, peu importe qu’il soit allé jusqu’à porter plainte
(aboutissant ainsi à une tension dans les relations), son point de
vue prime. Ce n'est pas la moindre contradiction des protagonistes
antisectes que de prétendre avoir un regard lucide et rationnel sur
la question dite du sectarisme et de prendre comme étalon unique de
la vérité les affects des personnes qu'ils prétendent aider. On ne
peut que déplorer le manque d’honnêteté intellectuelle d'une
psychologue comme Sonya Jougla (et, par la même occasion, le manque
d’honnêteté intellectuelle de la sphère antisectes dans son ensemble
avec Georges Fenech en tête de liste). Il va sans dire que Sophie Davant a joué à la perfection son rôle d'accoucheuse de bons
sentiments.
Ce type d'émissions, parce qu'il tire les gens vers le bas,
devrait disparaître des grilles de France Télévision. Mais gageons
que le président René Pfimlin ayant réagi tardivement et pour combien
de temps aux déconvenues de Jean-Luc Delarue, n'ira pas jusqu'à
restaurer un débat sain sur la question des minorités spirituelles.
Il ne faut pas exagérer, tout de même.
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