Courrier à TEVA

Le point du vue du CICNS au sujet de l'annonce de l'émission "Sectes : simple communauté ou manipulation organisée".

A Teva, à l'attention de Marielle Fournier

6 mai 2005

Madame,

Notre association, le Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités, propose un nouveau regard sur les minorités spirituelles en France. Vous êtes invitée à visiter notre site www.cicns.net pour des informations détaillées sur notre action.

Ce mail est une réflexion sur votre prochaine émission "les dossiers de Teva" le lundi 9 Mai 2005 : Sectes : simple communauté ou manipulation organisée, dont nous recopions l'annonce qui va servir de support à cette réflexion.

En France on estime à 500.000 personnes le nombre d'adeptes de sectes, que ce soit les sectes traditionnelles les plus connues ou au contraire de petits mouvements apocalyptiques ou sataniques. Comment les sectes font pour recruter de nouveaux adeptes. Comment se déroule ensuite le processus qui peut déboucher sur l'isolement de la personne, sa rupture avec l'entourage et sa déstabilisation mentale qui va l'empêcher de s'en sortir ? Endoctriner, isoler pour mieux régner… C'est le mode d'action des gourous qui peuvent manipuler à volonté leurs adeptes. Les Dossiers de téva se penchent sur le cas d'une famille brisée par une secte qui a embrigadé la maman et deviennent aussi sur l'une des plus grandes tragédies de ces dernières années : celle des davidiens de l'américain David Koresh. La plupart de ses disciples ont péri à ses côtés lors de l'assaut du FBI à Waco au Texas.

Depuis déjà de nombreuses années, la France s'est dotée d'un outil législatif et administratif de répression contre les minorités spirituelles. Le mot secte fait parti de cet "arsenal" de répression. Non pas tant par le fait que sa définition ait évolué au cours du temps (puisqu'aujourd'hui, on l'associe à tout un ensemble de crimes et délits) mais parcequ' aujourd'hui, il véhicule un amalgame accepté quasi unanimement : spiritualité égale criminalité. Le terme est tellement connoté, qu'il suffit de le prononcer pour stigmatiser immédiatement le groupe qui en est la cible et lui ôter toute présomption d'innocence. Il suffira ensuite de l'appliquer à quiconque déplait par sa démarche originale pour réveiller une peur unanime et rejeter l'intrus.

Il ne s'agit pas de dire qu'aucun délit n'est commis, mais que les termes employés aujourd'hui (le mot secte par exemple) ont une portée bien plus grande dans l'inconscient collectif que la cible particulière qu'on voudrait viser. Lorsqu'on parle de secte, tout un imaginaire est réveillé (sur fond de suicides collectifs) qui jette le discrédit en bloc sur la démarche spirituelle. Mais si l'on parle de délits, alors la Miviludes n'apporte aujourd'hui aucune preuve chiffrée de l'importance du phénomène : il s'agit donc en fait d'une manipulation des consciences.

Cet amalgame permet d'instaurer un climat de peur et d'intolérance qui bénéficie sans conteste aux pouvoirs publics en détournant l'attention d'autres problèmes plus visibles (on peut faire un parallèle troublant entre la lutte anti-sectes à la française et la lutte contre le terrorisme à l'américaine).

Et en cela, les pouvoirs publics ont leur service de presse à disposition : tous les médias en général (à de rares exceptions près) qui ont abandonné toute déontologie sur le sujet de la spiritualité : qui fait aujourd'hui de véritables enquêtes journalistiques sur la réalité spirituelle de notre pays ? On ne peut se contenter de témoignages orientés quand bien même ces témoignages seraient porteurs d'une souffrance. Le pouvoir des médias sur l'opinion publique est énorme et l'on peut s'en inquiéter tant sur certains sujets, l'audimat, l'effet d'annonce et l'émotion véhiculée sont plus importants que la vérité.

L'annonce de votre émission est un modèle du genre :

Le titre est plutôt nuancé avec une interrogation légitime, mais le développement qui suit est sans appel : "Apocalyptiques", "sataniques", "déstabilisation mentale", "endoctriner", "isoler", tout le vocubalaire du dictionnaire propice à engendrer une terreur chez le téléspectateur est employé au sujet d'un ensemble volontairement flou par sa définition mais très précis quand à son contenu : les sectes : que les pouvoirs publics ont listé dans le rapport parlementaire de 1996 dans des conditions contraires aux règles élémentaires de la démocratie.

Puis viennent les "preuves" :

- une secte qui a embrigadé une maman : sans ignorer la souffrance de cette personne, peut-on justifier toute une politique de répression sur ce type d'exemples isolés (nous vous rappelons qu'aucun chiffre officiel n'existe aujourd'hui) et pourquoi ne pas parler alors des victimes de la répression; si des erreurs sont commises, elles doivent être regardées des deux côtés

- David Koresh : nous vous encourageons à aller regarder notre site sur le sujet des sectes suicidaires. C'est une variante de l'arsenal dont nous avons parlé plus haut. (Voir tous les articles sur cette page : http://www.cicns.net/Mythe.htm)

Donc votre annonce nous conduit à dire que votre émission ne sera pas un débat ouvert sur le sujet avec le désir de comprendre et de savoir, mais un dossier à charge, comme tout ce qui se fait sur cette question depuis de nombreuses années. Vous aurez une satisfaction, l'audimat sera certainement bon, tirer les téléspectateurs vers le bas est beaucoup plus simple que les tirer vers le haut. Nous aimerions nous tromper dans cette prédiction : peut-être que votre annonce n'est qu'une annonce d'appel pour un débat de bonne tenue sur le sujet ? Vous seriez les premiers. Sachez qu'il existe un regard alternatif de la part de sociologues, d'ethnologues, d'associations qui apportent une connaissance nouvelle du sujet. Le CICNS se propose d'apporter ce regard dans une de vos prochaines émissions, si le plateau garantit la pluralité des visions et l'ouverture du débat.

Cordialement

L'équipe du CICNS

Haut de page


© CICNS 2004-2015 - www.cicns.net (Textes, photos et dessins sur le site)